Dans une tribune libre *, Arnaud de Broca, président du Collectif Handicaps, qui regroupe 48 associations nationales de personnes en situation de handicap et leurs familles, invite à réformer en profondeur la politique de l’autonomie, de la naissance à la fin de vie, quel que soit le handicap.
Avec la crise sanitaire, les débats sur la reconnaissance d’un nouveau « risque autonomie » et la création d’une 5e branche de la sécurité sociale se sont accélérés. Les parlementaires voteront définitivement en juillet son principe et, par là même, un tournant important de notre système de sécurité sociale. La dernière création d’une branche, celle sur les accidents du travail, date de 1994, sans remonter évidemment au pacte fondateur de la sécurité sociale après la seconde guerre mondiale puis à l’autonomisation des trois autres branches (santé, famille, vieillesse) en 1967.
Pas un simple coup de peinture sur les murs, mais de nouvelles fondations
Mais, la rareté de la réforme ne suffira pas à la rendre historique, si elle ne conduit pas à repenser l’ensemble de la politique d’accompagnement de l’autonomie. Autrement dit, si les murs commencent à prendre forme, il reste à concevoir collectivement l’aménagement, jusqu’aux moindres pièces. Loin de ne concerner que l’autonomie liée au grand âge (qui est déjà un sujet majeur), il s’agit de réformer en profondeur la politique de l’autonomie, de la naissance à la fin de vie, quel que soit le handicap. Cette convergence des politiques devra garantir des réponses adaptées à chacun : les besoins d’un enfant en situation de handicap ne sont évidemment pas les mêmes que ceux d’une personne âgée en fin de vie.
Pour être à la hauteur des attentes et prendre une réelle dimension historique, cette réforme doit donc se fixer comme objectif prioritaire d’améliorer, de manière effective, les droits des personnes en situation de handicap, de leurs familles et des aidants. Les associations de personnes en situation de handicap n’attendent pas un simple coup de peinture sur les murs, mais de nouvelles fondations : assurer la garantie des droits et la qualité de l’accompagnement, garantir la liberté de choix, notamment du lieu de vie, pour les personnes en situation de handicap, ouvrir la prestation de compensation à tous les types de handicap, revaloriser son montant, supprimer les restes à charge, moderniser et financer les services à domicile, donner un véritable statut aux aidants, tout en en renforçant l’offre d’accompagnement social et médico-social à même de répondre aux besoins et aux attentes des personnes...
Un impact financier sous-évalué
L’impact financier de la prise en compte de l’ensemble des besoins des personnes en situation de handicap est pour l’instant sous-évalué. En effet, les quelques estimations qui circulent ne prennent en compte que les besoins liés au grand âge. Ce sont donc sans nul doute quelques milliards d'euros en plus qu’il convient d’ajouter. Pour nos associations, le financement doit reposer sur la solidarité nationale et sur une assiette la plus large possible. Le recours aux assurances privées, source d’inégalité, doit être proscrit et ne peut constituer la base de la politique autonomie. C’est donc avant tout un sujet de société, sur lequel il faut obtenir un large consensus.
Le caractère historique dépendra aussi de la capacité de cette branche à garantir une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire. Cela implique une forte association des départements, des services déconcentrés de l’État et des ARS à cette politique et à sa gouvernance, mais, au-delà, la mise en place d’outils de dialogue, y compris contraignants dès lors que des moyens financiers sont alloués équitablement dans les différentes régions afin de rendre effective cette égalité de traitement.
Un vrai rôle pour les associations dans la gouvernance
La gouvernance choisie sera un signe de l’attention portée aux corps intermédiaires : cette crise sanitaire a en effet montré l’importance du rôle joué par les associations dans l’accompagnement de nos concitoyens en situation de handicap. La politique de l’autonomie doit être pilotée par (et non pas seulement pour) les personnes concernées et notamment celles en situation de handicap, à part égale avec les représentants de l’État, des départements et des partenaires sociaux.
En somme, il ne suffit pas de dire qu’une réforme est historique pour qu’elle le soit. L’occasion est trop belle pour ne s’arrêter qu’à des affirmations. Construisons ensemble et avec les bénéficiaires une réforme historique !
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