Dans les campements du Nord-Pas-de-Calais où survivent les personnes exilées, de nombreux mineurs isolés n’ont qu’une obsession : rejoindre le Royaume-Uni. Dans ce territoire en forme d’impasse, accompagner ces jeunes est un jeu d’équilibriste pour les travailleurs sociaux.
Au poignet droit, Adil* porte un bracelet de perles dessinant le drapeau du Royaume-Uni. Assis dans la cour de l’accueil de jour du Secours Catholique à Calais, l’adolescent raconte à deux salariées d’ECPAT (1), une ONG internationale dédiée à la protection de l’enfance, comment il apprend le français sur TikTok.
L’une d’elles lance sur son téléphone un morceau du rappeur soudanais Dallo. Adil se met à chanter : ce morceau, il le connaît par cœur.
- « Pourquoi tu n’écrirais pas tes propres textes de rap ? » lui suggère Kathleen Desitter, médiatrice sociale pour l’ONG.
- « Ma tête est trop occupée », glisse Adil.
- « Trop occupée à quoi ? »
- « À réfléchir aux stratégies pour passer en Angleterre ».
Maraudes
Installés à Calais depuis septembre 2021, les cinq salariés d’ECPAT passent une partie de leur temps à marauder dans les campements informels de Calais pour repérer les mineurs isolés qui y survivent. La plupart sont Soudanais et Erythréens ; quelques-uns viennent d’Afghanistan et de Syrie.
Comme tous les vendredis, Kathleen Desitter et sa collègue Giovanna Haykal, médiatrice interculturelle, se rendent au centre du Secours Catholique. Elles y retrouvent une vingtaine de jeunes déjà dans leur radar. Mais aussi un nouveau de 14 ans, qui leur avait été signalé par une autre association.
Des camps de mineurs
« Quand on repère des "bambino" dans les camps, on les redirige vers ECPAT », raconte Rasta, membre du Secours Catholique, qui maraude chaque semaine.
Derrière le Buffalo Grill, il y a un camp avec uniquement des "bambino", de 14-15 ans, indique de la main ce citoyen investi auprès des exilés de longue date, aujourd’hui en reconversion professionnelle dans le travail social. « Ça m'a choqué, et pourtant ça fait 20 ans que je maraude. Je n’avais jamais vu un campement avec seulement des mineurs. »
Des évacuations régulières
Toutes les 48 heures environ, les forces de l’ordre délogent les campements calaisiens, saisissent tentes et matelas. Cette errance forcée est le premier obstacle à l’accompagnement des mineurs non accompagnés (MNA).
« On perd pas mal de jeunes. Parce qu’il y a un mouvement dans les camps, qu’un jeune est passé en Angleterre, ou qu’il n’est plus là et personne ne sait où il est… », raconte Giovanna Haykal. Lorsque c'est possible, l’équipe tente de garder le contact via Whatsapp.