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À l'Ehpad Kersalic, vivre à son rythme et selon ses envies

Longs FormatsAudrey GUILLER23 janvier 2025
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À Guingamp (Côtes-d’Armor), l’Ehpad Kersalic se présente comme une commune peuplée de citoyennes et citoyens. Sous l’impulsion de sa directrice, Corinne Antoine-Guillaume, tout y a été repensé pour le bien-être des habitants et des professionnels : l'architecture, l'organisation, la conception du temps et des animations, la posture et la liberté des soignants. Non sans bousculer quelques dogmes.

Ce midi, dans la brasserie de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Kersalic, à Guingamp, vingt-cinq mines réjouies trinquent au Beaujolais nouveau. Pour l'occasion, Alain Chery, le chef cuisinier, a dressé un beau buffet de charcuteries et fromages artisanaux tandis que Tino, musicien local, égaye l'instant de sa guitare. 

Accompagnés de leur famille ou de soignants, les habitants de l'Ehpad qui le souhaitent peuvent déjeuner gratuitement dans ce restaurant maison, à condition de réserver et de s'endimancher.

Quatre « villages » 

Dans la brasserie « Aux papilles et mamies » de l'Ehpad Kersalic, c'est jour de Beaujolais nouveau, avec concert à la clé. Laurent Guizard pour Le Media Social

À Kersalic, en plus des quatre « villages » où résident 75 habitants accompagnés par 55 professionnels, on trouve un café central installé sous un puits de lumière, une boutique, un salon de coiffure, un bureau de poste tenu par une habitante, sept chats, un chien et une poule. Il n'en a pas toujours été ainsi.

Créée en 1977, l'institution devient Ehpad en 2006. Quand elle y est nommée en 2013, Corinne Antoine-Guillaume, la directrice, découvre un établissement à l'état d'esprit « très sanitaire, très hygiéniste », qui ne correspond pas à sa philosophie. « Nous étions institutionnellement et individuellement maltraitants », retrace la directrice, qui énumère : « Quand deux soignants vous font une toilette intime en vous écartant les cuisses de force, quand on vous donne la becquée pour aller plus vite, ça ne va pas. » Pour elle, le manque de réflexion professionnelle conduisait à un automatisme brutal.

De la vie en permanence

Elle sent en outre que cette organisation qui déshumanise les résidents ne rend pas davantage les professionnels heureux : « Plein de collègues se trouvent alors sous antidépresseurs. Pourtant, un métier ne doit pas vous détruire. »

Geneviève Guy, psychologue, arrivée dans l'établissement en 2014 à la demande de la directrice, se souvient : « Au réfectoire avant le dîner, c'était l’embouteillage de fauteuils stockés devant la télé, les cris, le stress des professionnels… » Ce qui change maintenant, explique-t-elle, « ce sont les sourires et la sérénité dans les couloirs. Il y a de la vie en permanence, de manière fluide ».