Véritable « colonne vertébrale invisible des systèmes de santé », les aidants seraient 11 millions en France. Dans son livre Aidants, ces invisibles, Hélène Rossinot, médecin spécialiste de santé publique, fait le point sur leur situation et propose des solutions pour améliorer leur quotidien. Un livre à lire à la veille de la « Journée nationale des aidants » qui aura lieu comme chaque année le 6 octobre.
Ils seraient 11 millions à accompagner un proche au quotidien en France aujourd’hui. Qui sont ces aidants, acteurs indispensables du système de santé et pourtant invisibles aux yeux du corps médical et de la société ? Le docteur Hélène Rossinot, médecin spécialiste de santé publique et de médecine sociale, leur consacre un livre, Aidants, ces invisibles, dans lequel elle dresse un état des lieux et propose des pistes de réflexion pour installer un « parcours de l’aidant ».
Indispensables, mais invisibles
Ils n’ont pas choisi d’être aidants, ils le sont devenus par nécessité, le plus souvent sans même s’en rendre compte. Ils sont actifs ou retraités, majeurs ou mineurs [1], ils s’occupent d’un conjoint dépendant, d’un fils malade, de leurs parents vieillissants, d’un enfant handicapé … loin d’être de simples « accompagnants », ils voient leur vie bouleversée par ce rôle que la société leur demande de tenir sans pour autant le reconnaître. Ils mettent leur travail, leur scolarité, leur santé en danger, et pourtant ils restent invisibles.
« Couteaux suisses »
Invisibles malgré toutes les tâches accomplies : en plus d’un soutien moral qui semble évident, ils doivent assurer la surveillance de l’état de santé, la veille technique de tout le matériel médicalisé, le soutien logistique (déplacement au sein du domicile et en dehors), l’intendance administrative, les tâches ménagères, la gestion des urgences… jusqu’aux soins d’hygiène, réalisés le plus souvent sans formation préalable, et qui leur font prendre une posture de soignants. « Se voir imposer un rôle qui n’est pas le sien, si proche, trop proche de la maladie change la donne » et peut user, abimer, épuiser.
Former les professionnels
Les témoignages recueillis par le docteur Rossinot expriment le besoin des aidants d’être considérés comme des interlocuteurs légitimes, d’être pris en compte dans les parcours de soin de leur proche. Or, après quelques années passées à échanger avec le corps médical et des membres de direction, Hélène Rossinot constate que « si l’existence des familles paraît incontestable, les enjeux, chiffres, problématiques particulières qu’elles rencontrent sont souvent mal maitrisées voire inconnues ». Il apparaît alors urgent et fondamental pour l’auteur d’inclure la problématique des aidants et leur place au sein du système de santé dans les études des futurs professionnels de santé.
Reconnaissance
S’il paraît naturel d’aider un proche dans sa famille, à partir de quand considère-t-on que l’on devient aidant ? « À partir de quelle implication, de quel rôle, de quels actes » devient-on aidant ? Répondre à ces questions aidera à définir un statut de l’aidant, mais il faudra veiller à bien prendre en compte « tout le champ des possibles de l’aidance » prévient Hélène Rossinot. Il existe une multitude de situations différentes, et « il s’agit de donner une existence légale aux aidants sans réaliser de distinction en fonction de la pathologie du proche accompagné, de son âge ou de celui de l’aidant ».
Parcours de l’aidant
Cette reconnaissance serait la première étape pour Hélène Rossinot, d’un « parcours de l’aidant » qu’elle souhaite mettre en place, et qui serait plus « un état d’esprit à développer et à adapter à chaque situation » qu’une liste de mesures à adopter pour améliorer le quotidien des aidants.
Ce parcours ne règlera certes pas tous les problèmes que peut rencontrer un aidant, mais permettra d’agir sur des facteurs de stress quotidien comme le sentiment d’abandon, la dégradation de la santé, le manque d’information…
Aidants et emploi
Autre point important à ne pas négliger pour accompagner les aidants : leur situation au travail. En France, près de 50 % des aidants familiaux travaillent en entreprise. Ils sont 1 sur 6 aujourd’hui, et seront 1 sur 4 dans 10 ans. Or « conjuguer les tâches auprès du patient et un emploi à plein temps devient vite extrêmement compliqué et délétère ».
Beaucoup n’osent pas parler de leur rôle d’aidant au travail de peur d’être stigmatisés ou d’avoir des ennuis. Il serait bénéfique, estime le docteur Rossinot, que les entreprises changent leur regard sur l’aidance : au lieu de considérer les salariés aidants comme une charge, elles pourraient valoriser les compétences acquises en termes d’organisation et d’empathie par exemple. Il faut « faire évoluer les politique RH pour les rendre plus ‘aidant friendly’ » complète Hélène Rossinot.
Etre ou ne pas être… aidant
S’appuyant sur des expériences menées à l’étranger, Hélène Rossinot explore de nombreuses pistes pour améliorer le quotidien des aidants et faire avancer la reconnaissance de leur place au sein de la société, comme par exemple, des centres de ressources pour aidants, ou des centres de santé de proximité, fournissant formation aux aidants et matériel nécessaire pour le retour à domicile.
Mais au-delà de ce combat pour la reconnaissance de leurs droits, Hélène Rossinot conseille de s’intéresser « à la pluralité des besoins, des envies, des possibilités » et d’accepter de laisser le choix d’être aidant ou non. Pour elle en effet, « le véritable défi de notre société aujourd’hui n’est pas de fixer un cap pour tous. C’est de proposer des alternatives d’égale qualité afin que chacun puisse vivre le mieux possible, sans jugement ».
[1] On estime entre 500 000 et 1,5 million le nombre d’aidants de moins de 25 ans en France.
10e édition de la Journée nationale des aidants
Le collectif Je t’Aide lance la 10e édition de la Journée nationale des aidants sur la thématique de la précarité des aidants. Le 6 octobre, des centaines d’événements seront organisés dans toute la France. Associations, entreprises, collectivités, professionnels de l’accompagnement du secteur médico-social organisent des manifestations pour informer les aidants sur leurs droits et toutes les aides à leur disposition. Comme chaque année, seront disponibles un site internet et une ligne téléphonique à l’écoute des aidants (du 6 au 9 octobre : 09 69 39 74 70 - prix d’un appel local).
Pour plus d’information : https://www.lajourneedesaidants.fr/
Aidants, ces invisibles , de Hélène Rossinot, éditions de l'Observatoire, 17 €