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Tribune libre09 septembre 2022
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Aide à domicile : "on nous paie pour faire avec !"

Les auxiliaires de vie sont des professionnelles du médico-social et les services d'aide et d'accompagnement à domicile ne doivent pas être confondus avec des services de confort, insiste Dafna Mouchenik, directrice de la structure d'aide à domicile LogiVitae dans cette tribune libre*.

Petit message sympathique du matin : « Je ne sais pas ce qu’a foutu l’aide-ménagère mais je suis venue voir ma mère ce week-end et la poussière n’a pas été faite. Je vais prévenir l’APA que vous prenez l’argent de nos impôts sans faire le job. C’est une honte ! »

Alors, il convient de préciser quelques points car si je suis ouverte à toutes remarques et critiques, rien ne va dans cette interpellation.

Papoter un peu

Sa maman, fragile mais relativement en forme (GIR 4), bénéficie de deux fois deux heures par semaine de la présence de Sylvaine, auxiliaire de vie de mon service. Deux fois deux heures c’est déjà bien, mais cela passe vite lorsqu’il faut faire des courses, passer l’aspirateur, gérer le linge, refaire le lit, repasser, papoter un peu (c’est une petite dame toute mimi qui s’ennuie, ce qu’elle attend de nous c’est de la compagnie, et ça aussi ça fait partie du job).

Et puis, pour que notre travail fasse sens, il est essentiel que toutes ces actions du quotidien soient faites avec la dame, et pas à sa place alors même qu’elle parvient encore à faire tant de choses. Notre travail à nous, enfin celui de Sylvaine, c’est précisément de faire avec elle pour sécuriser le tout mais que surtout, surtout cette dame continue « à faire » pour garder l’autonomie dont elle dispose encore. Et « faire avec » ça prend plus de temps que de faire « à la place ».

Colère de la fille

Alors c’est vrai, pour y parvenir, l’auxiliaire de vie doit faire quelques arbitrages entre priorités ménage, changement de draps, vaisselle, légumes à éplucher ou rdv à prendre chez le coiffeur. Il est possible que dans ce cadre elle n’ait pas pensé à faire la poussière. Voilà que je reprécise tout cela à sa fille, en indiquant que j’ai prévenu l’aide à domicile qui la fera donc avec sa maman lors de son prochain passage.

Elle était sympa ma réponse, je ne m’attendais pas à déclencher pareille tempête. Colère suprême de la fille : « Si on vous paie, c’est pas pour que ma mère fasse elle-même son ménage ! ».

Rester en éveil

Alors comment dire ? Si, précisément, on nous paie pour que votre maman « fasse encore » (du moins c’est comme cela que ça devrait se passer). C’est même à souhaiter car lorsqu’une aide à domicile fait à la place, c’est que les personnes vont vraiment mal : trop fatiguées, trop en souffrance, trop désorientées pour participer à quoi que ce soit… En ce cas oui, l’auxiliaire de vie va complètement faire à leur place, mais là c’est lorsque la bataille pour l’autonomie est perdue.

Et encore, même comme ça, il y a toujours des petites choses que la personne peut encore faire. Je me rappelle un monsieur en position semi-allongée, dans un fauteuil adapté, en train de plier serviettes et torchons pendant que l’auxiliaire de vie, face à lui, repassait chemises et pantalons. Ça papotait, ça se souriait. Tout était fait pour que ce monsieur reste en éveil, même si par ailleurs il était bien désorienté et très peu mobile. Elle est là, la plus-value d’une auxiliaire de vie.

Un métier mal compris

L’attribution de l’APA devrait être conditionnée (et expliquée) à la nécessité du « faire avec ». Combien de personnes accueillent encore nos auxiliaires de vie, seau et serpillière dans l’entrée ? C’est à les dégoûter de faire ce métier, tant il est mal compris.

Pourtant, la collectivité n’a pas pour vocation de prendre en charge des heures de ménages ordinaires, n’en déplaise à la fille de Madame Toute-mimi. Si c’est ce qu’elle souhaite pour sa maman, à elle de les prendre en charge, pas « nos impôts » (comme elle dit).

C’est en cela que nos services sont radicalement différents d’un service de confort. Nous sommes, services d’aide et d’accompagnement à domicile, auxiliaires de vie, de véritables professionnels du médico-social. Les prendre pour des femmes de ménage, nous confondre avec un prestataire SAP [services à la personne], revient à penser qu’un Ehpad est un simple hôtel, une aide-soignante une femme de chambre.

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* Les tribunes libres sont rédigées sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas la rédaction du Media Social.

DafnaMOUCHENIK
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