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Tribune libre23 novembre 2023
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Aide à domicile : rhétorique autour de la nécessaire qualité de vie au travail

Dans cette tribune libre*, Dominique Villa, directeur général de l'association d'aide à domicile Aid'Aisne, récemment citée dans une étude du Céreq, développe ses arguments autour de l'utilité d'investir la qualité de vie au travail (QVT) dans l'aide à domicile.

Trouver les bons arguments peut être utile, en fonction de son interlocuteur, de ses besoins, de son public.

Avec le bon apprentissage du livre de Clément Viktorovitch (Le pouvoir rhétorique au Seuil), je vous propose, en plusieurs séquences, d’évoquer le besoin de qualité de vie au travail (QVT) dans le secteur de l’aide à domicile.

Si la proposition qui suit reste un exercice de style, elle pourrait être tout autre car je vais tenter de mettre en avant l’angle que nous pourrions être amenés à choisir afin de soutenir notre discours ou notre requête autour de l’utilité d’investir la qualité de vie au travail.

Une illustration permettra de basculer vers l’ici et maintenant. Prêt ?

Argument par le fait rapporté : on évoque de plus en plus les collectifs autonomes ou semi-autonomes en aide à domicile. Ce qui apparaît dans ces nouvelles organisations (en fait pas si innovantes que cela), c’est un mélange hétérogène d’une structure à une autre.

Les différences ne sont guère sur la volonté d’autonomisation mais sur le dosage entre les différents leviers exercés pour y parvenir. Les premières évaluations démontrent, plutôt unanimement, que l’axe QVT, quand il est actionné avec force, a un effet positif démultiplicateur pour les collaborateurs, la structure et les bénéficiaires accompagnés.

À Aid’Aisne, c’est un levier fort : pas d’autonomie sans de nombreuses actions QVT ! Cela donne de multiples appels à projets internes proposés à tous les collaborateurs et de nombreuses actions mises en place : une « happiness manager » pour des temps de convivialité, le choix du temps plein, devenir une ressource spécifique (par exemple, la « tribu des ambassadeurs » ou la sophrologie) et être reconnue comme telle dans son équipe et la structure.

Les pratiques d'Aid'Aisne à l'honneur dans une étude du Céreq

Dans une publication du 7 novembre 2023, le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq) met en lumière des innovations managériales dans l'aide à domicile.

Il analyse les pratiques d'organisation du travail mises en place, dans deux structures associatives de l'aide à domicile (membres de l'UNA), pour concilier l’autonomie des salariées et leur intégration dans le collectif de travail.

L'une des deux associations gestionnaires, appelée Morphée dans l'étude, est en fait l'association d'aide à domicile Aid'Aisne, dirigée par Dominique Villa.

Argument par la statistique : le secteur de l’aide à domicile est un des secteurs les plus accidentogènes. Chaque année, les chiffres de l’exercice précédent sont battus. Pourtant, de nombreux accents ont été mis sur la prévention des risques, certains issus d’obligations légales. Les résultats, force est de le constater, sont loin des objectifs espérés.

Et pourtant, chaque année, on continue à reprendre ce qui n’a pas fonctionné. Pourquoi ? Parce qu’il y a nécessité de fondre la santé avec la qualité de vie au travail, l’engagement avec l’initiative, la prise de risque avec la prévention de celui-ci. En investissement massivement sur la QVT, il est indéniable que trois indicateurs s’amélioreraient : l’accidentologie, l’absentéisme et le turn-over.

5 % des structures ont transformé leur organisation en laissant la responsabilité de la décision et de l’organisation des tournées de travail au niveau le plus adapté pour la prendre (subsidiarité). Les indicateurs confirment que cette piste audacieuse améliore la santé physique, psychique et les relations d’interdépendance entre professionnels. Le retour sur investissement est indéniable.

Argument par définition : Q comme qualité, V comme vie et T comme travail. On pourrait ajouter P comme personnel pour atteindre la QVTP. Est-ce un concept ? Est-ce une perception ? Est-ce un projet ? En fait, les trois, mon général !

C’est un concept car il est le fruit d’un certain nombre de pollinisations : conditions de travail, relations de travail, développement personnel et professionnel et recherche de bien-être. C’est une perception également car la QVTP est à hauteur d’homme, du système de valeur dans lequel il vit, de ses objectifs et de ses préoccupations. C’est également un projet parce que les volontés communes entre employeurs et employés ouvrent sur les domaines de l’épanouissement mais aussi de la performance.

Un très bon exemple qui pourrait être copié par les services est celui de la société de services informatiques, Salesforce. L’entreprise s'appuie sur le concept de « camp pono » qui vient de la culture hawaïenne. Vivre en pono signifie atteindre un état d’équilibre et d’harmonie dans tous les domaines de votre vie : s’alimenter, se recharger, bouger et s’épanouir.

Argument par association : améliorer la QVT, c’est redonner du sens à des missions qui n’en manquent pas. C’est également évoquer l’alignement des valeurs entre les engagements des intervenants à domicile et ceux des structures qui s’inscrivent dans un champ de l’économie sociale et solidaire. Parfaire cet alignement, c’est avouer qu’il ne se construit pas par la persuasion mais par les réciprocités et les gages de confiance.

Le virage domiciliaire sera une merveilleuse aventure pour les structures qui parviendront à être alignées. Elles pourront ainsi espérer résoudre l’équation de la qualité de vie au travail avec la qualité du service rendu. Car l’alignement des valeurs donne des vertus à la cohésion d’équipe, permet le partage et facilite la cohésion. L’aide et le soin pourraient bien ne plus faire, alors, qu’une unique mission.

Argument par la comparaison historique : à l’échelle de l’histoire de ce secteur, qui a transité de l’aide-ménagère/femme de ménage à une intervenante sociale, il n’est pas aisé de tirer des enseignements en matière de santé ou de bien-être au travail. On peut juste constater que globalement les missions ont peu changé : aide à la personne, entretien, repas, courses.

C’est l’environnement du salarié qui a été bousculé. D’ailleurs, on est passé de salarié à collaborateur, ce n’est pas neutre dans la responsabilisation conjointe. Enfin, il est à noter un écart majeur de traitement de la qualité de vie au travail, c’est que dorénavant, les structures en tirent des plans (sur la comète ?) avec des objectifs, des évaluations, des fonctions attitrées (comme l’happiness manager).

Ces plans visent l’amélioration continue, la démonstration par la preuve factuelle mais aussi le management inconditionnel, fondé sur le respect de la personne. On est donc éloigné d’une gestion ancienne de la QVT à la bonne franquette où les signes de reconnaissance étaient conditionnés aux résultats obtenus.

La prévention de la santé au travail est devenue un facteur d’attractivité et de fidélisation. L’absence de démarche a un coût faramineux, autant social qu’économique, autant d’organisation que d’image et de réputation !

Argument par comparaison entre individus ou institutions : le salarié, de plus en plus, montre son appétence pour le travail hybride (dont le télétravail est un bon exemple) mais aussi sa quête de sens et de nouveaux challenges. La démission mentale, par la démotivation et le désengagement, en est la conséquence négative. Il n’est plus question de souffrir pour réussir !

Avoir du temps pour soi pour le collaborateur est un élément que l’entreprise va devoir prendre en compte sous peine de pénurie de personnel. De son côté, l’institution a de multiples intérêts à faire confiance à ses nouveaux modes de relations au travail, particulièrement dans les métiers de service où l’autonomie-responsabilité est facile à mettre en place. Son intérêt est de se rapprocher au plus près de l’entreprise rêvée.

Pour y parvenir, Aid’Aisne a exploré deux pistes illustratives. La première est celle de la candidature renversée. C’est-à-dire que c’est le candidat qui peut faire le choix, volontaire, de Aid’Aisne en lui demandant de se présenter et de valoriser ses engagements. La future collaboration est renforcée par ce choix unanime.

La seconde est le management, à tous niveaux, par la confiance délibérée. Quésaco ? Tout collaborateur est d'emblée digne de confiance car nous faisons le pari de l’autre sans notion démonstrative de preuves. Ce n’est pas encore l’entreprise rêvée mais on s’approche de l’idéalisation.

Les tribunes libres sont rédigées sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas la rédaction du Media Social.

DominiqueVILLA
Directeur général de l'association d'aide à domicile Aid'Aisne
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