Le collectif d’associations célèbre à sa manière le premier anniversaire du plan contre la pauvreté. Si Alerte appuie ses objectifs, il rapporte une dégradation des conditions de vie des plus précaires. Il met en cause les coupes sur les APL ou les allocations.
Le gouvernement a choisi de marquer l’anniversaire de sa Stratégie contre la pauvreté en grande pompe, ces 12 et 13 septembre, par une « conférence nationale des acteurs », avec force conférences et tables rondes. Le collectif Alerte, quant à lui, s’est contenté d’inviter la presse, le 9 septembre, un an après le lancement de ce plan de 8,5 milliards d’euros et décliné en cinq engagements.
Difficile bilan
« Nous avons salué cette stratégie » l’an dernier, et « notamment sa philosophie première d’éviter la reproduction de la pauvreté », rappelle d’emblée aux journalistes Christophe Devys, le président de ce groupement de fédérations et d’associations contre l’exclusion. Cependant « il est encore très difficile d’en faire un bilan ». Ce plan, en effet, se déploie « essentiellement à moyen et long terme ». Ce même 9 septembre était ainsi lancée la concertation sur le service public de l’insertion, l’une des promesses de septembre 2018…
Miroitement
« Mais ce qui nous importe est la situation des personnes », poursuit l’ancien directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France. Or celle-ci « ne s’est pas améliorée, et s’est même dégradée ». Certes, la récente revalorisation de la prime d’activité a pu bénéficier à bien des travailleurs modestes. Mais les plus pauvres, eux, ont pu se sentir « exclus de la politique du gouvernement ». Le président d’Alerte voit au fond « un miroitement, une contradiction, entre les objectifs de cette Stratégie et la réalité pour les personnes en situation de pauvreté ».
Logement
A ses côtés, Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, partage ce sentiment en matière de logement. Certes, avec le Plan pour le logement d’abord, engagé de 2018 à 2022, « il y a une dynamique », reconnaît-il d’abord. Mais à contre-courant, le gouvernement aura coupé dans les aides personnalisées au logement (APL) et dans les budgets de construction des logements sociaux. « En 2020 nous aurons ainsi 3,8 milliards d’euros en moins pour le logement ! » Dès lors, si ce plan quinquennal bénéficie à quelques dizaines de milliers de personnes, davantage encore, peut-être, pourraient pâtir des économies du gouvernement. Christophe Robert appelle donc à « changer d’échelle » pour le Logement d’abord, que ce soit dans la résorption des campements illicites, la construction des logements sociaux, ou bien la mobilisation du parc privé.
Emploi
Le constat est semblable en matière d’emploi, enchaîne Florent Gueguen, le directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité. « Chacun constate une diminution du taux de chômage, se félicite-t-il, mais cela profite peu aux personnes les plus pauvres et les plus éloignées de l’emploi ». Pire, la réduction du nombre de contrats aidés devrait faire basculer bien des salariés vers les minima sociaux. Quant à la réforme de l’assurance chômage, « elle s’annonce très défavorable aux plus précaires », et devrait en mener d’autres à demander le RSA. Florent Gueguen n’ignore pas certaines « avancées », comme les créations de postes pour l’insertion par l’activité économique. Mais cela peut-il aboutir à un « changement d’échelle » suffisant ?
Reculs
Les associations d’Alerte ont encore bien d’autres reculs à dénoncer. En matière de santé, Patrick Bouffard, de Médecins du Monde, se réjouit de l’extension de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ; mais il s'inquiète des menaces sur l’aide médicale d’Etat (AME), un dispositif essentiel pour des individus comme « pour la santé publique ». De même, à l’Union nationale des associations familiales (Unaf), Monique Dupuy apprécie les petits déjeuners gratuits dans les écoles prioritaires ; mais elle regrette que les allocations familiales ne soient plus indexées sur l’inflation. A l’égard des migrants, en revanche, aucune avancée ne peut être relevée par Véronique Fayet, la présidente du Secours catholique : « Ils ont été écartés de la Stratégie contre la pauvreté, alors qu’ils sont les plus pauvres parmi les pauvres ! »
Cohérence
Toutes ces décisions, bout à bout, « interrogent sur la cohérence et l’efficacité d’ensemble de la politique gouvernementale pour lutter contre la pauvreté », concluent les associations dans un communiqué. D’autant plus que « l’exonération de la taxe d’habitation pour les 20 % des ménages les plus aisés va coûter, entre 2021 et 2023, la somme de 8 milliards d’euros » - soit presque exactement « le budget global de la stratégie pauvreté »...
Acte 2
Alerte encourage donc Emmanuel Macron à ouvrir un « acte 2 social pour son quinquennat », comme le résume Jérôme Voiturier, le directeur général de l’Uniopss. Dans la concertation pour le futur revenu universel d’activité, les associations espèrent déjà faire respecter les « lignes rouges » qu’elles ont déjà tracées. Mais puisque cette prestation ne sera pas mise en œuvre avant 2023, Alerte « demande, dès 2020, la réindexation sur l’inflation des allocations logement et des prestations familiales, ainsi que la revalorisation du RSA ». Voilà au moins de quoi nourrir les débats, en cette fin de semaine, pour le premier anniversaire de la Stratégie contre la pauvreté.