Voilà bientôt deux mois que les 34 assistants sociaux du centre hospitalier de Dijon s'adaptent, tant bien que mal, à la vague du coronavirus qui déferle sur leurs services. Au-delà des angoisses, les travailleurs sociaux décrivent, aussi, de nouveaux rapports humains.
Encore 267 personnes hospitalisées pour cause de Covid-19, ce 5 mai, à travers la Côte-d’Or. Ici aussi, le répit se précise, et il est particulièrement bienvenu dans ce département, qui en avait compté, mi-avril, pas loin de 400. L’accalmie, si elle se confirme, sera bien méritée pour le CHU de Dijon-Bourgogne, et notamment pour ses 34 assistants de service social.
Brutalité
Car pour ces professionnels aussi, la pandémie s’est abattue avec une grande brutalité, à la mi-mars. « Dans les services sociaux des hôpitaux, nous avons une grande capacité à nous adapter », sourit, derrière son masque, Angélique Maitrehenry, la cadre supérieure socio-éducative. Tant mieux : au moment où le pays entier s’apprêtait à se confiner, les travailleurs sociaux du CHU, eux, voyaient déjà se lever la vague du coronavirus.
Préparer les départs
D’ordinaire, à l’hôpital, les assistants sociaux aident à préparer soigneusement les départs des patients. « Et d’un coup, dans certains services de court séjour, il a fallu tout mettre en oeuvre pour organiser des sorties, dans les meilleures conditions », raconte la cheffe du service. L’urgence, soudain, était de libérer des places, pour tous les malades du Covid- 19 à venir.
Ouvrir les droits manquants
Et d’ordinaire, à l’hôpital, les assistants sociaux se rendent aussi au chevet des patients, pour une évaluation sociale, avant de leur ouvrir leurs droits manquants… « Dès le jeudi 19 mars nous étions presque tous en télétravail, avec un service minimum en présentiel organisé par roulement », poursuit Angélique Maitrehenry.
Télétravail à l'hôpital
Mais comment télétravailler auprès de malades hospitalisés ? « Nous avions accès à tout le réseau du CHU et notamment aux dossiers des patients informatisés », témoigne, à ses côtés, l’assistante sociale Isabelle Gueneau. « Quant au téléphone, nous l’utilisons déjà beaucoup, mais nous avons rajouté d’autres moyens de communication, comme les groupes Whatsapp entre collègues, ou la visioconférence avec les soignants », explique-t-elle, par caméra interposée. « Ça ne remplace pas le lien direct, mais ça laisse la possibilité de travailler. » Souvent, « les infirmiers ou les médecins ont pu être nos relais vers les patients », ajoute sa cadre supérieure, qui n’écarte pas de poursuivre l’expérience après le confinement.
Assistantes vitales
Ainsi réorganisés, les assistants sociaux ont donc tenté de s’adapter aux soubresauts de l’hôpital. « En réalité la charge de travail a été fluctuante selon les services, et les moments de l’épidémie », décrit Angélique Maitrehenry. Ainsi, les assistantes sociales n'ont évidemment guère eu d’utilité en réanimation ; mais elles sont devenues vitales pour en organiser les sorties, dès le début du mois d’avril. Et depuis, d’autres collègues se sont avérées cruciales, dans les unités de gériatrie, ou de soins de suite et de réadaptation (SSR), lorsqu’ont soudain été découverts des débuts d’infection... « On a fini par regrouper tous les patients Covid. »
Redéploiements
Ailleurs en revanche, des services ont cessé de fonctionner, le temps de l’épidémie. Tel est le cas du Centre de ressources autisme, dans lequel travaille habituellement Isabelle Gueneau : « J’ai alors été amenée à prendre contact régulièrement avec les usagers, qui se retrouvaient confinés. » L’assistante sociale est aussi partie renforcer les équipes en pédiatrie, et s’est même portée volontaire le temps d’un week-end, pour assurer le désormais nécessaire filtrage des visiteurs, à l’entrée d’un bâtiment... « D’autres participent maintenant à l’accueil des familles, à l’Ehpad de l’hôpital. »
Des usagers indulgents
Dans ce grand tangage des services face au Covid-19, les assistants sociaux ont aussi vu leurs rapports évoluer avec les usagers. « Ils ont trouvé les patients très compréhensifs et indulgents, et davantage dans le remerciement », rapporte Angélique Maitrehenry. Avec des visites interdites, il a fallu aussi investir particulièrement « l’accompagnement des familles, et tout le travail d’écoute et de soutien psychologique ». Y compris pour les proches de patients transférés, plus à l’ouest, à Moulins ou Clermont-Ferrand... Et y compris face au deuil. Dans les hôpitaux de Côte-d’Or le coronavirus a déjà causé 221 décès.
Solidarité dans l'équipe
La cadre a aussi remarqué une belle solidarité au sein de son équipe. Les assistants sociaux ont bien pu traverser quelques angoisses, face à ce virus encore méconnu. Et trois d’entre elles ont même été contaminées, sans gravité. « Mais il n’y a pas eu d’absentéisme », salue la cheffe du service. « C’est une très belle équipe. »
Des démarches simplifiées
Avec les partenaires extérieurs aussi, les relations ont changé. « Le travail a été facilité par le confinement », s’étonne Angélique Maitrehenry. Impossible de faire remplir par un patient une demande d’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ? Tant pis pour le formulaire ! « Tout se fait naturellement par mél et on a gagné du temps et de l’énergie. Je vais contacter le département pour essayer de simplifier ces démarches à l’avenir ! »
Violences aux urgences
La sortie du confinement s’annonce aussi au CHU de Dijon. Depuis quinze jours environ, aux urgences ou en pédiatrie, les assistants sociaux repèrent déjà un afflux des victimes de violences, conjugales et intrafamiliales, mais aussi des tentatives de suicides, ou des prises de psychotropes massives. « Au fond, le déconfinement semble encore plus anxiogène », commente Angélique Maitrehenry.
Vivre avec
Mais face à la pandémie, globalement, en ce début mai, le CHU « se stabilise ». Il reste que « le covid, ce n’est pas fini », prévient aussitôt la cadre supérieure. L’hôpital va pouvoir reprendre certaines activités, mais en privilégiant les téléconsultations. « Il faudra peut-être un an et demi, encore, avant de trouver un vaccin ! » En attendant, il va bien falloir se faire aux gestes barrières, aux masques et à la distanciation sociale, même pour les professionnels de l’accompagnement.
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