Ce n’est pas nouveau, et cela se confirme, au moins dans les discours : les politiques d’aide à l’autonomie visent en priorité la possibilité d’une vie à domicile pour les personnes âgées dépendantes. Mais sur le terrain, la réalité ne suit pas. Et repenser le financement, la coordination et les conditions de travail des salariés à domicile semble plus que nécessaire.
L'accompagnement à domicile est devenu le lieu stratégique, voire le Graal, des politiques d’action sociale vis-à-vis des personnes âgées dépendantes. Les discours sur la nécessaire désinstitutionnalisation s’ancrent. Et trouvent logiquement écho dans la population : chacun aspire à vivre et mourir chez lui.
Les professionnels s'échinent
Pourtant, sur le terrain, la réalité est loin des beaux discours. Les professionnels des services d’aides à domicile s’échinent, et le modèle socio-économique des structures est tellement fragile que beaucoup ferment. Pour que l’ambition politique se réalise sur le terrain, de profonds changements sont nécessaires.
Investir plus
Repenser le financement de l’aide à domicile semble une première étape incontournable. Toutes les fédérations du secteur pressent les pouvoirs publics d’instaurer une tarification à la mesure des besoins.
Le récent rapport de Dominique Libault, pilote de la concertation « Grand âge et autonomie », propose une nouvelle subvention de l’État au secteur de 550 millions d’euros. Pour tenir compte des tâches aujourd’hui non rémunérées effectuées par les aides à domiciles, telles que les temps de coordination d’équipe.
Une bouffée d'oxygène
« Ce serait une bouffée d’oxygène, admet Dominique Villa, directeur général de l’association d’aide à domicile Aid’Aisne.
Mais pour revaloriser les salaires des intervenants et repenser des accompagnements de qualité, il faudrait investir beaucoup plus ! »
Il propose plutôt de remplacer une tarification à l’heure par un financement à la place.
Delphine Guilleux, pilote Maia (Méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soin dans le champ de l’autonomie) à Vitré (35) approuve : « En allouant une somme à un bénéficiaire, à l’année, les temps de formation et de coordination des professionnels qui l’accompagnent pourraient enfin être financés. En milieu rural, je vois souvent des équipes sans responsable de secteur, qui ont une réunion de service par trimestre. »
En milieu rural, je vois souvent des équipes sans responsable de secteur
Delphine Guilleux, pilote Maia
Les interventions très fractionnées d’une demi-heure, ou parfois moins, seraient ainsi évitées. « On passerait d’un accompagnement sanitaire à un accompagnement humain », plaide Claudette Brialix, présidente de la Fédération nationale des associations et amis de personnes âgées et de leurs familles (Fnapaef).
La CNSA mobilisée
Les fédérations, dont Adessadomicile, apprécient par ailleurs la proposition du rapport Libault d’encourager la mise en place de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (Cpom) pour éviter les disparités territoriales de financement, et de renforcer le pilotage de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Celle-ci, très mobilisée sur le sujet, doit d’ailleurs présenter prochainement un chapitre prospectif consacré à la place du domicile.
Revaloriser les métiers
Un meilleur financement permettrait aussi de revaloriser les métiers de l’aide à domicile, pilier d’un accompagnement de qualité. Car aujourd’hui, le secteur manque d’au moins 17 000 professionnels. Alors que la demande va continuer à croître.
« Le temps partiel imposé décourage les candidats, observe Claudette Brialix. La pénurie est telle qu’en période de vacances, certaines personnes âgées n’ont plus personne pour les aider à se lever ou manger. »
Pour rendre ces métiers attractifs, il faudrait réévaluer les grilles salariales à la hausse et ouvrir davantage de perspectives de carrière.
Le plan national sur les métiers annoncé par le rapport Libault sera-t-il à la hauteur ? Il prévoit notamment une politique de formation ambitieuse et une transformation des modes de management.
Le temps partiel imposé décourage les candidats
Claudette Brialix, présidente de la Fnapaef
Le terrain est déjà dans cette réflexion. Sur leur secteur d’Ille-et-Vilaine, Delphine Guilleux et ses partenaires songent à un décloisonnement des salariés, qui travailleraient à mi-temps à domicile et en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) : « Cela revaloriserait le travail à domicile, aiderait l’usager à dédramatiser l’Ehpad et permettrait des parcours plus fluides. »
Dominique Villa a, lui, créé une «équipe autonome » d’aides à domicile:
« Les salariées gèrent elles-mêmes leur planning, le choix des interventions en fonction des besoins des bénéficiaires, leurs formations, comme si elles étaient en autoentreprise. Ça fonctionne ! Moins de kilomètres, d’inter-vacations et d’arrêts de travail. Et l’accompagnement devient plus individualisé que fractionné.»
D’autres services d’aide, comme Aide@venir ou Alenvi, s’inspirent du modèle hollandais Buurtzorg : chaque professionnel intervient sur une zone géographique limitée, travaille étroitement en équipe, insiste sur la prévention, l’éducation thérapeutique et la mobilisation du réseau social de proximité de l’usager. Tout en disposant d’outils informatiques facilitateurs.