Alors que démarre le 34e congrès de l'Uniopss, quelles sont les attentes du secteur associatif à l'égard du président réélu ? Quels sont les dossiers prioritaires qui devraient être traités par le nouveau gouvernement ? Les réponses du président de l'Uniopss, Patrick Doutreligne.
Cela faisait quatre ans que la grande famille des acteurs associatifs du sanitaire, social et médico-social ne s'était pas retrouvée. Le dernier congrès de l'Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) s'était, en effet, tenu en 2018 à Tours. Le suivant devait avoir lieu au printemps 2020, mais a été par deux fois reporté, crise sanitaire oblige.
Pendant un jour et demi, les 13 et 14 mai, des centaines de responsables élus ou salariés du tissu associatif vont se retrouver à Rennes. Avec un clin d'œil dans le calendrier : les congressistes pouvaient espérer adresser des messages clairs au gouvernement nouvellement constitué, voire recevoir le ministre en charge des dossiers sociaux. Raté puisque le gouvernement d'avant élection est toujours en place.
Pour autant, l'Uniopss a des choses à dire aux autorités alors que la situation sociale se tend dangereusement.
Le dernier congrès remonte à 2018. Quel était alors le contexte politique ?
Patrick DoutreligneEn avril 2018, le premier quinquennat d'Emmanuel Macron était à peine commencé. Nous avions déjà remarqué et regretté que les corps intermédiaires, les syndicats et les associations, soient écartés des négociations. Le pouvoir se privait ainsi de lieux de médiation et de contre-propositions. Cette erreur de stratégie s'est payée lourdement.
Que voulez-vous dire ?
P. D.Quelques mois après, sont apparus les Gilets jaunes qui ont obligé le pouvoir à changer de discours en reconnaissant le rôle des élus locaux et des associations. Nous avons assisté à un virage social au moins dans le discours, mais assez peu dans nos relations avec le gouvernement.
Justement, vous avez connu deux Premiers ministres pendant ce quinquennat...
P. D.Effectivement, et leur style était très différent. Jean Castex était plus en phase avec le terrain qu'Édouard Philippe. Celui-ci pouvait nous écouter pendant deux heures, sans reprendre dans sa synthèse orale, aucune de nos idées.
Et pendant ces cinq ans, la France a connu une terrible crise sanitaire. Quel regard portez-vous sur sa gestion ?
P. D.Soyons clairs : sans le « quoiqu'il en coûte », nombre de structures associatives auraient été en grande difficulté, et sans doute certaines auraient mis la clé sous la porte. Le fait de ne plus lier les financements au niveau de remplissage des établissements a permis d'éviter le pire.
La fin du quinquennat a été marquée par la très grave crise d'Orpea. Quel est votre regard ?
P. D.D'abord, je voudrais dire que cette crise, nous l'avons vu venir. Comment penser que des groupes commerciaux dégagent autant de bénéfices alors que les établissements associatifs ont tant de mal à boucler leur budget ?
Mais alors que faire vis-à-vis d'un secteur commercial aussi lucratif ?
P. D.A priori, nous ne sommes pas opposés à l'existence d'un secteur lucratif. Mais attention, il faut l'encadrer ! L'ampleur du scandale Orpea nous a fait comprendre que la recherche de bénéfices fait partie des gènes de ce secteur. Il n'est pas fait pour accompagner des personnes âgées ou plus généralement vulnérables.
Que proposez-vous alors ?
P. D.Peut-être faudrait-il limiter l'intervention du lucratif à la gestion de l'immobilier, un domaine dans lequel il est compétent. Et le travail d'accompagnement social et médical devrait être confié au secteur associatif ou public. Il faut remettre le secteur commercial à sa place.
Mais le gigantisme des groupes commerciaux ne peut-il pas être dénoncé également dans l'économie sociale et solidaire ?
P. D.Vous avez raison, il faut garder une vigilance vis-à-vis des grands groupes de l'ESS, comme par exemple le groupe SOS. En se demandant si l'exigence de démocratie interne est toujours respectée.
Venons-en à ce second quinquennat Macron. Quelle doit être la priorité absolue pour votre secteur ?
P. D.Plutôt qu'une priorité, je vous en citerais trois. Il faut d'abord faire voter rapidement une loi sur l'autonomie, en lui accordant de vrais moyens. Pour se référer aux rapports rédigés sur le sujet, il faut y consacrer au minimum 8 milliards d'euros par an. Je ne vous cache pas notre crainte si le président continue à lier cette réforme avec celle, beaucoup plus controversée, des retraites. Cela pourrait nous conduire à une paralysie. Nous pouvons craindre également que la volonté de faire des économies budgétaires pèse sur les dépenses sociales.
Seconde priorité ?
P. D.Il faut absolument s'intéresser aux plus modestes de nos concitoyens qui n'ont pas été à la fête lors du premier quinquennat (gel des minima sociaux, notamment). Le président doit absolument renoncer à son projet d'obliger les allocataires du RSA à faire des heures de travail. C'est une absurdité totale qui d'ailleurs ne peut pas être tenue. La meilleure conjoncture économique doit être l'occasion de favoriser le retour à l'emploi de certains allocataires grâce à un vrai accompagnement social.
Et votre dernier axe ?
P. D.Cela ne vous étonnera pas si nous demandons une véritable concertation avec les pouvoirs publics. Aujourd'hui, il n'est plus possible d'être « jupitérien », d'avoir une vision uniquement descendante des choses.
Votre congrès qui s'ouvre devrait être accaparé par un problème majeur : la pénurie de personnels. Quelle est votre approche ?
P. D.Déjà, il faut reconnaître que la prime de 183 euros ne règle pas la donne en profondeur. D'ailleurs, le Ségur de la santé a été centré sur les primes : ce n'est pas le cœur du problème. Il faut se demander pourquoi le social n'aimante plus les jeunes, remettre en question Parcoursup, une vraie catastrophe pour le social et le médico-social. Par ailleurs, le fait que le gouvernement conditionne l'agrément de nouveaux accords salariaux à l'approbation d'un cadre conventionnel unique bloque toutes les discussions. La CFDT et la CGT, avec qui j'ai discuté, sont très remontées. Pour avancer, il faut changer de méthode.
On vous attend !
Le Media Social est partenaire du 34e congrès de l'Uniopss, qui se tient les 13 et 14 mai, à Rennes. N'hésitez pas à passer nous voir sur notre stand !
Infos sur le congrès ici.