Dès le début de la crise sanitaire, de nombreux citoyens se sont engagés auprès d'associations, certains pour leur première expérience de bénévolat. Aujourd'hui, ces dernières entendent faire perdurer la dynamique.
À l'échelle nationale comme locale, les responsables d'associations et d'établissements confirment l'élan de solidarité des Français perçu pendant la crise liée au coronavirus, témoignant d'ailleurs de plus de propositions que de besoins réels. Thierry Novelli, directeur d'un CHRS de l'Armée du salut à Belfort (Territoire de Belfort), se souvient « d'un formidable retour de candidatures sur un simple appel sur Facebook ».
Le CHRS qui ne pouvait plus compter sur la totalité de sa douzaine de bénévoles, principalement pour des raisons de santé, a intégré 35 nouveaux volontaires, et s'est même constitué « une réserve » au cas où certains d'entre eux ne puissent pas s'engager sur la durée, toujours pour des questions liées au virus.
Le bilan chiffré de la Croix-Rouge française est, bien entendu, d'une tout autre mesure. « Environ 30 000 personnes se sont manifestées depuis le début de la crise », explique ainsi Caroline Soubie, responsable du département Engagement Formation Initiative, « les deux-tiers l'ayant fait directement auprès d'une de nos antennes locales, le reste via la plateforme nationale que nous avons spécialement mis en place ».
Nouveaux profils, nouvelles missions
Les profils des nouveaux venus ne correspondent pas aux profils habituels des bénévoles du secteur de la solidarité, les volontaires très réguliers étant en grande partie les plus de 65 ans.
Philippe Bonenfant, président de la banque alimentaire de Bayonne (environ 160 bénévoles), a vu se présenter une vingtaine de volontaires, encore une fois suite à un simple appel sur Facebook, « des actifs exerçant dans des champs professionnels extrêmement différents, de la banque à la coiffure, qui se retrouvaient au chômage technique et qui n'ont peut-être pas le temps, en temps normal, de s'engager dans une association ». Après des semaines de travail en commun, il estime que l'expérience est « socialement très intéressante » et que cette mixité a insufflé « une ambiance plus joyeuse dans l'équipe ».
Même bilan aux Petits Frères des Pauvres (réseau de 12 000 bénévoles) qui a intégré des profils « peu vus jusqu'alors, comme des professionnels du secteur de la culture ou des arts », témoigne Nicole Gicquel, DGA de l'association.
La Croix-Rouge, qui compte, contrairement à l'ensemble des associations caritatives, beaucoup de bénévoles jeunes en raison de son activité de secourisme, a « encore davantage » accueilli de nombreux volontaires dans la tranche des 20-30 ans dont de nouveaux profils, des personnes en emploi, par exemple mis à disposition par leur employeur.
En s'appuyant sur ces troupes renouvelées, les associations et établissements ont développé des activités inédites pour s'adapter aux contraintes de la crise, comme la livraison de courses à domicile ou du soutien psychologique par téléphone.
Reconfiguration des équipes
Aujourd'hui, avec le déconfinement, l'heure est au retour des « anciens » bénévoles qui n'ont pas pu être sur le terrain en raison de leur prédisposition face au virus, en ayant soin de faire de la place à chacun. « Le rôle des responsables d'équipe est alors prépondérant », estime Caroline Soubie. « Notre E-formation aux nouveaux outils technologiques était dans les tuyaux depuis un moment, la crise a été une occasion de nous lancer. On s'est longtemps dit que cette formation pourrait être compliquée pour les plus âgés, et finalement, tout le monde a franchi pas, par exemple pour assurer du soutien psychologique à distance, même si pour certains, cela a été un peu plus difficile », remarque Caroline Soubie.
La Croix-Rouge a également développé plusieurs modules de formation à destination des nouveaux venus. « Ce bilan positif ne veut pas pour autant dire que tout peut se faire à distance. Au contraire, l'expérience a mis en lumière l'importance de la relation de proximité », poursuit-elle.
Faire encore davantage
Les responsables d'association entendent bien garder ces nouvelles recrues. « Il y a un objectif permanent de renouvellement des bénévoles », explique Bruno Morel, directeur général d'Emmaüs Solidarité (600 bénévoles). Il a veillé à ce que les volontaires qui n'ont pas été intégrés pendant la crise soient rappelés dès le déconfinement pour « ne pas laisser s'échapper un public peut-être un peu volatil ».
À la banque alimentaire de Bayonne, Philippe Bonenfant garde précieusement ses nouveaux contacts pour la collecte nationale des banques alimentaires « où il n'y a jamais assez de bras et pour laquelle les profils qui se sont manifestés, comme des comptables, nous seront très utiles ».
À la Croix-Rouge, l'augmentation du nombre de bénévoles devrait permettre de mettre en place de nouvelles activités de solidarité d'hyper-proximité ou d'élargir les horaires d'activités préexistantes. « La crise a mis en lumière, si cela était encore nécessaire, la problématique de l'isolement, nous devons faire encore davantage dans cette direction », souligne Caroline Soubie.
Du côté des Petits Frères des Pauvres, si Nicole Gicquel estime « qu'il est encore trop tôt pour faire des projets précis », elle envisage tout simplement de « faire plus dans des zones mois investies que d'autres ». « Il y a tout un potentiel ! », se félicite la DGA.
Réflexion de fond
Thierry Novelli, envisage, lui, de prendre le temps, suite aux répercussions de cette crise, de « réfléchir, à l'échelle de son CHRS, à la place des bénévoles, à la relation salarié/bénévole et professionnel/bénévole/bénéficiaire », estimant que « l'introduction du bénévole fait bouger les lignes de ces interactions ». « Un professionnel s'est étonné qu'un nouveau bénévole tutoie un de nos bénéficiaires. Et… pourquoi pas ? Il faut au moins en discuter », raconte-t-il. « Le bénévole est dans le don total, de façon parfois très spontanée s'agissant d'un nouvel engagé. C'est une richesse pour le bénéficiaire comme pour le salarié », souligne-t-il.