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Interview18 mars 2020
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Coronavirus : « les personnes à la rue sont les grandes oubliées »

À Toulouse, des personnes sans domicile sans solution d’hébergement ne sont pas confinées, rencontrent des difficultés pour se prémunir contre le coronavirus, se manger et se laver. Les travailleurs sociaux du Groupement pour la défense du travail social (GPS) sonnent l’alerte et demandent des réquisitions d’hôtels et de lieux d’hébergement. Le point avec Annabelle Quillet, membre du GPS (*).

Quelle est la situation actuelle sur Toulouse pour les personnes sans solution d’hébergement ?

Annabelle QuilletLes personnes à la rue sont désormais plus visibles. Mes collègues du service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) sont allés à leur rencontre : elles sont en difficulté pour manger, car les associations qui distribuent des colis alimentaires ont toutes cessé leur activité. Le seul endroit qui continue à fournir des repas est le restaurant social du Grand Ramier. Elles ne peuvent plus faire la manche car les rues sont désertes et le nombre de magasins devant lesquels elles pouvaient le faire est désormais très restreint.

Et sur le plan sanitaire ?

A.Q.Elles ne peuvent pas se laver les mains car elles ne disposent ni de savon ni de points d’eau suffisamment accessibles. Pour se laver, il n’y a qu’un point d’hygiène, toujours au Grand Ramier, et qui n’est ouvert que le matin de 8h30 à 11h30. Les personnes à la rue ont bien conscience du danger mais n’ont pas les moyens de lutter contre le coronavirus, car elles ne peuvent ni être confinées ni respecter les gestes d’hygiène. Ce sont comme d’habitude les grandes oubliées.

Qu'en est-il au niveau de l’hébergement ?

A.Q.Des personnes sont hébergées en foyer d’urgence, dans un gymnase ou à l’hôtel, où elles vont rester car l’hébergement d’urgence hivernal a été prolongé de deux mois. Mais si personne ne sort, cela veut dire que personne ne rentre ! Heureusement depuis aujourd’hui ces lieux d’hébergement sont ouverts 24h/24h, ce qui est une bonne nouvelle. Maintenant, il va falloir trouver des personnels pour assurer une présence et un accompagnement, ce qui va être un autre problème. 

Certains travailleurs sociaux ont en effet des obligations parentales, or il faudra assurer une continuité de service. Quant aux accueils de jour, qui ont traditionnellement du mal à fonctionner, avec des locaux peu adaptés, ils ferment pour ne pas mettre en danger les personnels et les personnes accueillies. La halte de nuit est également en difficulté, nous ne sommes pas sûrs qu’elle pourra rester ouverte.

Vous craignez aussi que les hôtels ferment ?

A.Q.Nous savons que la situation est tendue sur certains hôtels, car il n’y a plus de salariés pour gérer l’établissement 24h/24h. C’est le cas notamment d’un hôtel qui remettrait 17 familles à la rue. Il se peut que les travailleurs sociaux du SIAO soient redéployés pour passer dans ces établissements, être auprès des familles qui pour certaines ne comprennent pas ce qu’il se passe, faute de maîtriser la langue française.

Nous devons y aller pour rassurer les familles et les informer. Si les hôteliers ont besoin de nous, nous viendrons. Ils ont réagi de manière très positive en nous disant qu’ils feraient tout pour ne pas mettre des familles à la rue. On ne s’y attendait pas. Ils mesurent l’importance de cet hébergement.

À ce jour au 115, vous n’avez pas obtenu de places d’hébergement d’urgence supplémentaire ?

A.Q.Non, rien n’a changé, sauf l’ouverture en journée des foyers qui n’étaient jusqu’ici ouverts que la nuit. Nous avons alerté les autorités, la seule réponse obtenue de la préfecture a été l’annonce de l’ouverture dans 10 jours de 18 places pour des personnes à la rue porteuses du Coronavirus mais ne nécessitant pas d’hospitalisation. Il nous a été dit que ces personnes seraient hébergées ailleurs une fois qu’elles seraient guéries, mais vu qu’il n’y a pas d’hébergement, nous craignons qu’elles restent à la rue.

Avez-vous des solutions à proposer ?

A.Q.Oui, nous savons qu’une clinique a fermé ses portes il y a quelque temps, qu’elle est parfaitement aux normes et peut tout à fait accueillir des personnes en toute sécurité et dans de bonnes conditions dans des chambres individuelles. Nous demandons sa réquisition. Comme nous sommes en guerre, comme le Président nous l’a dit, il faut mettre les moyens pour lutter : nous proposons donc que l’État réquisitionne les hôtels dans l’urgence pour mettre les personnes à l’abri.

Cette situation de crise met-elle en lumière le manque de solutions et d’accompagnement des personnes sans domicile ?

A.Q.Soit les pouvoirs publics ne mesurent pas le nombre de personnes à la rue ou estiment que les hébergements sont suffisants, soit c’est un déni, soit c’est un choix politique de se dire que ces personnes ne constituent pour l’instant pas la priorité. Cela paraît absurde, mais les autorités continuent à faire comme si elles n’existaient pas.

Les places d'hébergement d’urgence à Toulouse

- Hommes : 400 dont 100 places hivernales en gymnase

- Femmes : 268 dont 50 places hivernales

- Couples : 28 places (56 personnes)

- Familles : 1 000 places en centres d’hébergement

- Places à l’hôtel : 1 900 personnes

- Personnes actuellement sans aucun hébergement : entre 100 et 200 selon le Cedis.

Sources GPS et Cedis

(*) Le groupement pour la défense du travail social (GPS) est un collectif créé en décembre 2008 à Toulouse, qui se bat depuis contre les atteintes portées aux personnes accompagnées du secteur social. Et initie pour ce faire de multiples actions, parmi lesquelles des réquisitions de bâtiments vides. Il est aussi à l'initiative, avec d'autres collectifs, de la création du Cedis

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Propos recueillis par LaetitiaDELHON
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