La gestion de l'épidémie de Coronavirus est particulièrement complexe dans les lieux d'enfermement, prisons comme centres de rétention administrative, où la promiscuité est la règle. Des associations mais aussi des institutions demandent au gouvernement d'agir.
Le 17 mars dernier, un détenu de la prison de Fresnes âgé de 74 ans décédait après avoir été testé positif au Coronavirus une semaine plus tôt. Depuis, plusieurs cas ont été confirmés parmi le personnel pénitentiaire, à Fresnes et dans d'autres établissements.
Plus d'intervenants extérieurs et de familles
Pour éviter la propagation du virus, le ministère de la Justice a annoncé, ce 19 mars, plusieurs mesures. Les intervenants extérieurs, parmi lesquels les travailleurs sociaux, ne peuvent plus se rendre en prison. Il en va de même pour les familles, les parloirs étant suspendus jusqu'à nouvel ordre.
Des mesures pour maintenir les liens
En compensation, chaque détenu pourra bénéficier d'un crédit de 40 € par mois sur son compte téléphonique, à compter du 23 mars et jusqu'à la fin de la période de confinement. Cette somme « correspond à 11 heures de communications en France métropolitaine vers un téléphone fixe ou à 5 heures vers un téléphone portable ». Parallèlement, un service de messagerie téléphonique sera ouvert aux familles via un numéro non surtaxé. La télévision sera par ailleurs gratuite, afin de compenser la suspension des activités.
Les détenus les plus démunis pourront quant à eux bénéficier d'une aide majorée de 40 € par mois leur permettant notamment de cantiner, dans un contexte où les familles pourraient rencontrer des difficultés à effectuer des virements.
Réduire drastiquement le nombre de détenus
Pour les associations, ces mesures ne suffisent pas. Il faut avant tout réduire le nombre d'incarcérations. Dans un communiqué commun, plusieurs associations dont la section française de l’Observatoire international des prisons, le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature préviennent : « difficile à l’extérieur, le confinement est presque impossible à l’intérieur : il est aujourd’hui urgent, pour limiter les risques de crise sanitaire en détention, de réduire drastiquement le nombre de personnes détenues. »
Une trentaine d'entrées en prisons par jour
En réponse, la garde des Sceaux a indiqué, ce 19 mars, avoir demandé aux juridictions de différer la mise à exécution des courtes peines d'emprisonnement. « Ces mesures sont d'ores et déjà suivies d'effet : on comptabilise ces derniers jours une trentaine d'entrées en prison quotidiennes contre plus de 200 habituellement », a-t-elle précisé. Les transferts sont, eux aussi, suspendus.
Dans les CRA, une distanciation sociale impossible
La question des centres de rétention administrative (CRA), où sont retenus les étrangers en situation irrégulière avant leur expulsion, est elle aussi particulièrement problématique, l'éloignement de ces personnes étant rendu impossible du fait du contexte sanitaire.
« Face à la crise sanitaire, l’enfermement administratif des personnes étrangères doit immédiatement cesser », a notamment demandé l'Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) — qui compte parmi ses membres La Cimade ou l'Anafé — par la voie d'un communiqué de presse. L'OEE relève d'ailleurs que les prescriptions du ministère de la Santé ne peuvent pas être respectées dans ces lieux de promiscuité, qu’il s’agisse de la distanciation sociale ou des gestes barrières.
L'État manque à ses obligations
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté déplore pour sa part que « l’État manque à son obligation de protéger à la fois ses agents et les personnes qu’il a lui-même placées sous sa garde ». Elle indique, dans un communiqué, avoir été informée d'une absence totale d’information de la population retenue, d'un hébergement collectif dans la promiscuité, du maintien de la restauration collective et d'un défaut complet de protection, tant de la population retenue que des fonctionnaires de police.
Fermeture temporaire des centres
Elle relève également que la perspective de reconduite des personnes retenues est mince, voire illusoire, dans un contexte de réduction drastique des vols internationaux. En conséquence, elle recommande de procéder sans délai à la fermeture temporaire des centres et locaux de rétention administrative.
Des fermetures ont déjà eu lieu
Dans les faits, le CRA d'Hendaye a fermé ses portes, tout comme ceux de Guadeloupe et de Mayotte. D'autres fermetures devraient suivre.
Le quotidien Sud Ouest indiquait d'ailleurs ce 19 mars qu'un juge bordelais avait ordonné, le 17 mars, la libération de douze personnes retenues au CRA de Bordeaux. Le bâtonnier du barreau de Lille a pour sa part demandé au préfet que le centre de rétention de Lille‐Lesquin soit vidé, comme l'indiquait La voix du Nord dans un article publié le 18 mars.
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