Après quinze jours de huis clos contre le covid-19, les éducateurs vont devoir multiplier leurs interventions à domicile. Et leur besoin en masques n'en devient que plus pressant. Mais bien des équipes ont pu être reconstituées, même en établissement.
Des masques FFP2, d’autres en tissu, ainsi que des gants, du gel hydroalcoolique, du savon : à Clermont-Ferrand, les dons des entreprises et des particuliers commencent enfin à parvenir à l’Anef 63. Cette association de protection de l’enfance et d’hébergement, faute de matériels contre le covid-19, avait fini par lancer un appel à la générosité, le 24 mars, sur les réseaux sociaux. Voilà donc de quoi poursuivre les accompagnements, pour les quelque 40 salariés encore en poste – sur les 170 habituels. Mais il faut maintenant prévoir la suite : l’Anef 63 vient de renouveler son appel aux dons.
Endurance
Pour les professionnels de la protection de l’enfance, face au coronavirus, l’enjeu est désormais de tenir. Après le branle-bas de combat des premiers jours, puis les appels aux renforts, les équipes doivent désormais prouver leur endurance... Beaucoup espèrent donc des masques en masse pour pouvoir maintenir leurs missions – tout particulièrement en milieu ouvert.
Silences
Bien sûr, dès les premiers jours de confinement, les éducateurs ont pu remplacer leurs visites à domicile par du télétravail. « Certains ont même compensé la distance par des appels téléphoniques et visioconférences plus réguliers », rend compte Fabienne Quiriau, la directrice générale de la Cnape. « Mais que peut-on vraiment repérer par téléphone ? » Pour l’heure, paradoxalement, ses associations adhérentes constatent « beaucoup moins de remontées de violences intrafamiliales », s’étonne Fabienne Quiriau. Et cela ne rassure pas du tout les professionnels. « Ce serait incroyable que le confinement n’exacerbe pas les violences. »
Appels au 119
Au 119 « allô enfance en danger », à vrai dire, les sollicitations sont également restées stables, pendant les quinze premiers jours du confinement. Mais cette semaine, les appels nécessitant un traitement urgent ont augmenté de 20 %, comme l’a révélé le secrétaire d’État Adrien Taquet, en téléconférence avec les associations de la protection de l’enfance. Il est vrai que depuis le 30 mars, précisément, un spot incite chacun à appeler le 119 en cas de doute. Et depuis ce 2 avril, le service peut même être sollicité, en toute discrétion, par un formulaire dédié sur son site internet.
Protections demandées
Désormais, pour les professionnels du milieu ouvert rassemblés au Cnaemo, « on sent déjà le besoin d’intervenir plus massivement à domicile », témoigne Salvatore Stella, président de la fédération. « Or si nous commençons à trouver des masques, ils ne sont pas encore à la hauteur des besoins ! » De fait, avant de pouvoir aller à domicile, « ces protections sont demandées non seulement par les professionnels, mais aussi par les familles »… Au nom des établissements publics, le Gepso avait lui-même réclamé de telles protections, dans un communiqué, le 27 mars.
Masques en tissu
Adrien Taquet semble avoir finalement intégré le besoin. Le 1er avril, le secrétaire d’État a en effet ouvert de nouvelles perspectives de protections à ses interlocuteurs associatifs. Les structures devraient notamment pouvoir acheter des masques en tissu, directement à des producteurs désormais homologués.
Renforts étudiants
Et les ressources humaines ? Tant bien que mal, elles ont pu être reconstituées, ici et là. Chez les membres du Gepso, en tout cas, « l’absentéisme n’est plus une problématique essentielle », rassure la présidente Marie-Laure de Guardia. Les renforts étudiants, et les solidarités entre les structures, ont finalement permis de remplacer les personnels confinés. De même au Cnaemo, « il y a beaucoup moins d’absentéisme, depuis que nos personnels peuvent eux aussi faire garder leurs enfants », se félicite Salvatore Stella.
Casiers judiciaires
À l’inverse, dans les associations adhérentes de la Cnape, « les salariés ont finalement très peu sollicité ces gardes », relève Fabienne Quiriau. L’absentéisme a même pu y empirer. Quant au recours aux volontaires, il bute encore sur un écueil de taille : les vérifications des casiers judiciaires demeurent congestionnées. « On ne veut pas passer outre ! »
Après-crise
Au Gepso, on en est déjà à s’interroger sur « l’après-crise », et à se préoccuper des « pertes de chance pour ces enfants du fait du confinement », explique Marie-Laure de Guardia. Car « la scolarité à distance n’est vraiment pas simple » pour les mineurs protégés. La présidente du Gepso aimerait donc que « des accompagnements personnalisés puissent être proposés à certains élèves, soit dans nos établissements, soit dans des locaux de l’Éducation nationale ». Marie-Laure de Guardia se soucie également de la santé mentale des enfants protégés, pour ces prochaines semaines. Le confinement, désormais, paraît bel et bien organisé. Il reste à le faire durer.