En périphérie de Lille, une maison d’enfants accueille des jeunes filles en situation de prostitution. Dispositif unique en France, il vise à offrir un espace sécurisé et ressourçant pour ces adolescentes qui n’ont parfois plus que la rue et les réseaux de prostitution comme repères.
Dans la pièce collective, rendue lumineuse malgré le temps maussade par d’immenses fenêtres, Sarah (*) déguste un thé brûlant. Il est 11 heures, elle s’est réveillée trop tard pour le petit-déjeuner. La nuit a été agitée : les adolescentes se sont endormies tard et se lèvent au compte-goutte. Les éducateurs et éducatrices les réveillent, sans brusquer : ici le cadre oscille constamment entre fermeté et souplesse.
Il s’agit d’offrir des règles sécurisantes, mais aussi d'éviter, à travers un cadre qui serait trop strict, de rompre le lien avec ces adolescentes qui ont l’habitude de l’errance et de la survie, seules.
Des règles souples
Sarah apprécie cette souplesse : « Il y a des règles mais elles ne sont pas emprisonnantes, c’est important. » Arrivée depuis seulement quelques jours, elle a débuté les démarches il y a plus de six mois avant d’être accueillie dans cette maison d’enfants à caractère social (Mecs) unique en France, dédiée à l’accueil de mineures et jeunes majeures en situation de prostitution, placées à l’aide sociale à l’enfance (ASE).
« Je suis venue ici car j’ai traversé des réseaux de prostitution, de drogue. Je dormais plus, j’arrivais plus à manger », raconte la jeune fille âgée de seulement quatorze ans. « Bientôt quinze », précise-t-elle dans un sourire.
Un projet inédit
Comme elle, six adolescentes (sur une capacité de dix places) vivent actuellement dans la maison d’enfants Gaïa, située en périphérie lilloise. Le projet expérimental a été impulsé par celui qui était alors secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance. « Adrien Taquet a souhaité traiter la problématique de la prostitution des mineures », se souvient Hélène Bodart, directrice du Pôle protection de l’enfance de l’association Solfa, porteuse du dispositif.
« À Solfa, nous avions déjà l’expérience, au sein de notre pôle protection de l’enfance, de la prise en charge de jeunes filles dans le cadre de maisons d’enfants, de centres maternels. Nous accompagnons aussi des femmes victimes de violences, au sein de notre pôle violences faites aux femmes, avec des lieux d’accueil et d’écoute, une action sur la prise en charge des auteurs, etc. »