Les élèves en travail social sont finalement autorisés à poursuivre leurs stages - en cas d’accord de leur structure et de leur école. Mais des étudiants se mobilisent aussi pour renforcer les établissements en tension, en CDD ou sous d’autres formes.
D’un côté, des personnels contraints d’abandonner leurs établissements sociaux et médico-sociaux, ces tout derniers jours, pour cause de maladie, de vulnérabilité face au coronavirus, ou encore d’enfants à garder. Et de l’autre, des étudiants en travail social, particulièrement motivés pour aider les plus vulnérables face à la pandémie, et pour certains, déjà en stage auprès d’eux. Les premiers pourront-ils donc être remplacés par les seconds ? La réponse a d’abord été négative, à la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS).
Stages annulés
Après l’annonce par Emmanuel Macron de la fermeture des établissements scolaires et universitaires, l’administration centrale a en effet relayé la consigne, le vendredi 13 mars, à l’attention des centres de formation en travail social. Dès le lundi 16, ils ne devaient plus accueillir d’élèves, et si possible organiser l’enseignement à distance. Les épreuves de certification, également, devaient être reportées. Et quant aux stages, ils devaient être, purement et simplement, annulés.
Équation absurde
« Nous avons réagi très fortement », raconte Diane Bossière, la déléguée générale de l’Unaforis, l’union nationale des acteurs de formation et de recherche en intervention sociale. « Tous les établissements et services faisaient déjà face à une pénurie de personnels ! » Sur son compte twitter, Olivier Huet, le directeur général de l’École pratique de service social (EPSS), soulignait lui-même l’absurdité de l’équation : au moment même où une partie des personnels est empêchée, voilà donc qu’« on interdit aux étudiants en travail social d'aller en stage, alors qu'ils pourraient être vraiment utiles, pour soutenir les professionnels ».
Poursuivre en cas d'accord
Mais la DGCS a manifestement entendu les écoles : dès samedi soir elle apportait « des précisions sur la situation des stagiaires ». Certes, les stages peuvent bien « être suspendus si la structure d’accueil du stagiaire l’estime pertinent dans le contexte actuel ». Pour autant, « le stage peut se poursuivre en cas d’accord entre la structure d’accueil, le stagiaire et l’établissement de formation ». Voilà déjà de quoi soutenir des hébergements aujourd’hui exsangues, notamment dans la protection de l’enfance.
Jusqu'à 20 % d'absentéisme selon le Gepso
« Nous constatons un vrai engagement et une solidarité de nos professionnels, qui sont là, malgré les moyens qui manquent. » L'observation est de Marie-Laure de Guardia, la présidente du Groupe national des établissements publics sociaux et médico-sociaux (Gepso), qui répondait à la presse, le 17 mars, par téléphone. Pour autant, certains employés manquent à l'appel, car « ils peuvent tomber malades, ou ne pas pouvoir faire garder leurs enfants, ou encore être déclarés inaptes » en raison de fragilités spécifiques face au coronavirus. Résultat ? Cette semaine, pour les établissements membres du Gepso, dans le secteur de la protection de l'enfance, le taux d'absentéisme serait passé d'une moyenne de 3 à 6 % à une fourchette de 10 à 20 %.
Manques à la pouponnière
Mais les actuels stagiaires ne sont pas seuls à pouvoir renforcer les équipes. A l’IRTS de Normandie-Caen, le directeur général, Jean-Michel Godet, a lui-même été interpellé par le conseil départemental du Calvados : certains de ses étudiants ne seraient-ils pas eux-mêmes volontaires pour relever les personnels qui manquent, déjà, cruellement - par exemple à la pouponnière de Caen ? « Nous avons donc lancé l’appel par mél à nos étudiants qui n’auraient pas de difficulté de garde d’enfant ou de santé », explique le directeur général. Et parallèlement, cette offre de renforts a été proposée aux quelque 650 sites qualifiants de la région, des maisons d’enfants aux Ehpad. « Un futur éducateur spécialisé pourrait très bien y assurer de la cuisine collective, si besoin. Nous sommes dans une crise d’urgence ! » Pour l’heure, une trentaine d’étudiants se sont déjà portés volontaires, et cinq grandes structures de la région ont fait appel à leurs services. « La plupart vont embaucher ces étudiants sous forme de CDD. »
Intérims d'urgence
Jean-Michel Godet a repéré une trentaine d’autres établissements, déjà engagés dans ces mêmes intérims d’urgence. Dans les Pays de la Loire, par exemple, l’Arifts propose des adresses méls, sur son site, pour mettre en lien les « personnes en formation et les terrains professionnels ». En Occitanie, les mises en contact s’organisent pour l’heure entre les étudiants de l’Institut Saint-Simon et sa propre association gestionnaire, l’Arseaa - qui nécessite près de 1 700 salariés à travers ses 70 sites sociaux ou médico-sociaux. « Mais l’idée est aussi de pouvoir redéployer nos professionnels dont les établissements ou services ont fermé, ou sont en activité partielle », explique le directeur de l’école, David de Faria.
Pour une mise en lien nationale
Elle-même mise au télétravail pour l’Unaforis, Diane Bossière demeure en lien direct avec les directeurs des écoles, et garde le contact avec l’Uniopss, qui relaie les besoins des associations. Et désormais, l’ambition est d’inventer, à l’échelle nationale, « un système de mise en lien entre les établissements de formation et les structures d’accueil des personnes vulnérables ». Il permettrait aux étudiants de s’y mobiliser aisément – que ce soit par un stage ou sous une autre forme. « Il faut qu’ils puissent s’engager en sécurité, au regard de leur santé et de la couverture sociale, mais aussi avec une prise en charge des coûts de ce volontariat, notamment de leurs déplacements », indique Diane Bossière. Une instruction de la DGCS était attendue dès ce 18 mars pour en préciser les modalités.
Vers une réserve sociale
« A l’Unaforis, nous voyons dans cette crise l’opportunité d’arriver à construire une réserve sociale volontaire permanente, à l’image de la réserve sanitaire, avec des étudiants mais aussi des professionnels, pour répondre à de telles circonstances à l’avenir. » Ce qui pourrait constituer un tout premier héritage de la crise du Covid-19 de 2020 en France.