Et si à l’usure des travailleurs sociaux sur le terrain répondait le malaise des formateurs en école ? Le croisement de témoignages émanant de plusieurs établissements permet de cerner les différentes pressions qui pèsent sur ces professionnels pourtant chargés de préparer la relève.
Depuis décembre 2024, les manifestations se succèdent à l’Institut du travail social Erasme, à Toulouse (Haute-Garonne), suite au licenciement de son directeur pédagogique. Les unions syndicales départementales CGT de la santé et de l’action sociale de la Haute-Garonne et du Tarn-et-Garonne dénoncent des « violences managériales ».
Une crise qui en rappelle une autre, relatée dans l’ouvrage « Surtout, ne fermez pas la porte en sortant » (1), corédigé par sept anciens salariés de l’Institut de travail social de la région Auvergne (ITSRA, Clermont-Ferrand) décrivant les maltraitances exercées, selon eux, par leur direction.
Une mutation du secteur

« Après l’intense travail d’écriture qu’a représenté le récit de nos témoignages, nous avons compris que la situation dépassait le simple cas de notre école clermontoise », témoigne Philippe Menaut, l’un des coauteurs. Par conséquent, il a souhaité que « le maximum de formateurs puissent s’emparer de l’ouvrage » et a décroché son téléphone pour le présenter aux centres de ressources documentaires des écoles, où il estime « avoir reçu un bon accueil ».
Pour Philippe Menaut, la fin brutale de sa collaboration avec l’ITSRA, tout comme les « crises managériales » dont il a connaissance dans d’autres établissements, sont « le reflet de la transformation du secteur, qui a muté, passant des valeurs d’accompagnement, de solidarité, à un marché de l’aide à la personne ».
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« À l’ITSRA, il n’y avait plus d’espace où le collectif pouvait se développer. On ne parlait plus pédagogie mais traçabilité, et encore plus de rentabilité ! », déplore-t-il. La pression qui semble la plus évidente aux formateurs - ayant, pour la plupart, souhaité témoigner ici anonymement - est, en effet, la pression économique.
Avec des promotions qui ont toujours plus de mal à faire le plein, le nombre d’étudiants ayant encore baissé en 2023, le financement par les régions, lié au nombre de places occupées, se fait plus fragile. Pour Julie F., formatrice dans un établissement d’Île-de-France, la pression se fait ressentir dès les admissions avec le message « on prend tout le monde pour remplir les promotions ».