Sollicité très récemment par le gouvernement sur les mesures de protection dans les Ehpad et les USLD, le Comité consultatif national d'éthique plaide pour une mise en oeuvre adaptée à la nature des incapacités des résidents et pour le maintien d'un espace de circulation physique.
La période que nous vivons est, à bien des égards, exceptionnelle. Le fait que le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) réponde à une demande d'avis en cinq jours relève de l'exploit. Une situation qui ne ravit pas forcément le Comité, rappelant en introduction de son avis, que ce type de fonctionnement est « difficilement compatible avec une réflexion éthique approfondie ». Mais bon, diront certains, à la guerre comme à la guerre, il faut parfois savoir accélérer le rythme...
Maintien du lien social
Le CCNE admet l'idée d'une situation exceptionnelle de confinement, mais rappelle que « cette situation d’urgence ne saurait autoriser qu’il soit porté atteinte aux exigences fondamentales de l’accompagnement et du soin. » Il n'est pas question de transiger sur le maintien du droit au lien social, y compris - surtout, pourrait-on dire, pour les personnes dépendantes. Le Comité souligne le dilemme que rencontrent beaucoup de personnels, notamment les auxiliaires de vie : « se dévouer pour soigner, avec le risque pour soi-même et les autres d’être infecté par le soin que l’on prodigue. »
« Manque de moyens préexistants »
Cette situation très limite que vivent de nombreux établissements est liée à un contexte social très particulier que n'hésite pas à souligner le Comité d'éthique : « La crise sanitaire actuelle est révélatrice du manque de moyens préexistants, notamment humains, dans ces établissements ». Dès lors, la situation très périlleuse que nous vivons depuis le début du confinement aurait pu être moins acrobatique si les moyens humains suffisants avaient été au rendez-vous. Mais cela n'a pas été le cas...
Rapports au monde
Toute mesure de restriction des libertés de mouvement doit être expliquée aux résidents et à leurs familles. Aucune mesure générale n'est acceptable dans cette situation, par exemple en matière de contention. En ce domaine, la plus grande attention est nécessaire. Pour de nombreux résidents très affaiblis, les seuls liens qui les rattachent au monde sont d'ordre amical ou familial. « Les en priver de manière trop brutale pourrait provoquer une sérieuse altération de leur état de santé de façon irrémédiable et même enlever à certains le désir de vivre », prévient le Comité d'éthique. Une observation déjà mise en avant par les professionnels...
Besoin de nouvelles compétences
Dans ce contexte, les moyens humains doivent toujours être assurés, ce qui suppose de remplacer les agents arrêtés. Les établissements ne peuvent se passer des bénévoles, notamment pour le fonctionnement des outils de communication à distance. Le Comité d'éthique ajoute que les établissements vont avoir besoin de nouvelles compétences, en matière de médiation avec les familles.
« Un espace de circulation »
Le CCNE admet la nécessité d'organiser des lieux de confinement dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. Pour autant, il importe de préserver à tout prix un « espace de circulation physique, même limité ». Le confinement ne doit être vécu comme une mesure de coercition. D'ailleurs, le Comité d'éthique souhaite que soit maintenue pour les résidents testés positifs la possibilité de voir leur famille dans la mesure où celle-ci est également positive.
Transfert vers la famille
Dans la mesure où les établissements peuvent pratiquer des tests à grande échelle (le CCNE insiste beaucoup sur ce point), il doit pouvoir être possible de transférer temporairement les résidents vers le domicile de leur famille. La fin de vie doit pouvoir se faire, sous certaines conditions, entourée de sa famille.
Et les personnes ayant des troubles cognitifs ?
Bien entendu, les choses se corsent quand on envisage la situation des personnes souffrant de troubles cognitifs et donc incapables de comprendre les enjeux actuels. Le comité d'éthique n'exclut évidemment pas toute mesure de contention, mais il souhaite que les équipes s'entourent de points de vue extérieurs, comme ceux des équipes mobiles de gériatrie. Attention, prévient-il, « on peut nier l’humanité de la personne en niant le sens qu’a sa déambulation. »
Dans sa réponse, le ministre Olivier Véran annnonce qu'il va « travaille[r], avec les représentants du secteur, aux principes généraux et aux actions concrètes à mettre en œuvre pour garantir une application éthique des mesures de protection au sein des établissements. »