Peu exploré, le travail social en milieu rural recouvre de multiples réalités, en réponse à la diversité des territoires et aux besoins des publics. Entre développement de l’aller vers, innovation et appui sur les ressources locales, il constitue un maillon essentiel pour l’accompagnement, dans des zones où la présence de l’État n’a cessé de reculer.
Des atouts et des fragilités, des réponses aussi diverses que les territoires qu’il couvre : le travail social en milieu rural s’adapte, invente, tente, résiste, veille, comme en ville mais plus discrètement, loin des projecteurs. Si le mouvement des Gilets Jaunes a brusquement mis en lumière certains enjeux du monde rural - mobilité, logement, travail, accès aux soins, etc. - il retombe vite loin des projecteurs.
Pourtant, dans ces territoires contrastés, qui se recomposent, entre population vieillissante et néoruraux, disparition des services publics et retour de l’aller vers, les travailleurs sociaux déploient une palette d’interventions riche et variée.
Un service itinérant
Constatant le manque d’accès aux services d’accueil des personnes en grande précarité vivant à la campagne, le foyer international d’accueil et de culture (Fiac) de Berck-sur-Mer a ouvert en juin 2017 le service itinérant Paloma.
À bord de ce camping-car équipé d’une cuisine et d’une salle de bains, fournissant des produits d’hygiène et des tablettes numériques, deux travailleurs sociaux se déplacent chaque jour.
Deux heures de permanence fixe
« Nous effectuons deux heures de permanence fixe dans plusieurs communes rurales et proposons des plages horaires libres, décrit Mélanie Fauquet, technicienne de l'intervention sociale et familiale (TISF). Cela permet d’effectuer des maraudes, de proposer un petit-déjeuner le matin ou une douche en fin d’après-midi pour une personne qui a travaillé. Nous pouvons aussi répondre à des urgences si le 115 nous appelle ».
En lien avec le Samu social
Le service a été conçu en complément de l’équipe mobile du Samu social - qui ne pouvait pas se déployer sur l’ensemble du territoire - pour des personnes vivant à la rue, en squat ou en logement insalubre.
« Nous sommes en lien avec elle et intervenons en fonction de ses besoins. Nous lui envoyons, ainsi qu’à nos partenaires, notre planning par SMS le vendredi », poursuit la TISF. Les mairies, maisons des solidarités ou centres communaux d’action sociale (CCAS) orientent aussi vers le service.
Un espace convivial
« Le camping-car, c’est un espace convivial, moins formel qu’un bureau, on discute en prenant le café, on crée un climat de confiance qui permet d’aborder petit à petit la situation administrative des gens, leur couverture sociale, l’hébergement », indique Mélanie Fauquet.
Des actions collectives sont aussi proposées et des échanges réguliers avec l’équipe mobile permettent un suivi actif.
Innover par l’action sociale
À l’Hospitalet-près-l’Andorre (65), commune d’une centaine d’habitants, la situation géographique, à la frontière andorrane, a poussé les acteurs locaux à innover et se tourner vers l’action sociale. Pour maintenir l’école ouverte avec sa classe unique, les élus du territoire, sous la houlette du maire Arnaud Diaz, ont conçu un projet visant à accueillir des femmes isolées avec enfants.
La maison des Cimes, gérée par France Horizons, a ouvert ses portes en janvier 2020, à l’aube du premier confinement, de manière expérimentale. Le projet vise à proposer un accompagnement global aux familles pour se reconstruire dans un endroit calme, en scolarisant les enfants, en étant accompagnées vers la réinsertion socioprofessionnelle, et par ricochet en maintenant la vitalité du village.
Une permanence pour les habitants
Depuis l’ouverture, douze familles ont vécu dans cette « maison » composée de plusieurs appartements, d’un espace de vie collectif et d’un espace de vie sociale en partenariat avec la caisse des allocations familiales (CAF). Une conseillère en économie sociale et familiale (CESF) y propose une permanence pour l’ensemble des habitants chaque semaine.
« Cela répond à des besoins pour des démarches auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), pour du soutien à la parentalité, des demandes de financement, car le village est surtout composé d’habitants actifs », décrit Joséphine Kersani, coordinatrice sociale et territoriale de la maison des Cimes jusqu'en avril dernier.
Des femmes en difficulté
Imaginé au départ pour des personnes sortant de centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ou de centre maternel, le lieu a surtout accueilli des femmes ayant rencontré des difficultés dans leur parcours en raison de violences familiales et de séparation.
« Elles peuvent vivre des moments de décompensation importants en arrivant ici, liés à l’emprise et au trauma. Elles ont besoin d’étayage autour de la parentalité. C’est un endroit contenant qui permet ça », poursuit l'ancienne coordinatrice.
« Difficile sans voiture »
Elles doivent toutefois être bien informées en amont sur l’environnement local.
« Ici c’est extrêmement ressourçant pour les enfants, c’est la liberté, la nature, au pied des montagnes, et c’est très sécurisant car tout le monde se connaît. Il y a aussi le train, qui permet des escapades le week-end. Mais au quotidien pour l’accès au droit commun ou aux courses, malgré une navette tous les quinze jours, c’est difficile sans voiture ».