Notre série "En quête de sens" s'intéresse à la trajectoire singulière de travailleurs sociaux désireux de partager leur expérience. À trente ans, Sophie Moreau a déjà raconté son quotidien d’éducatrice de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dans deux livres, finement écrits. Le dernier décrypte le « syndrome du professionnel secoué », se heurtant sans cesse à des sentiments contradictoires.
Simple, enjouée, directe : Sophie Moreau parle avec aisance. On l’écoute comme on la lit, avec l’art des mots choisis, un style ciselé, et ce sens de la narration qui tient en haleine. « Je suis très agitée dans la vie, écrire me structure et remet de l’ordre dans mes idées », décrit-elle.
Enfant solitaire, née à Paris sept ans après son aîné, la future éduc’ grandit « dans sa bulle, toujours en train de lire, un peu à la périphérie, là sans être là, observant beaucoup ».
De Freud au droit pénal
Au lycée elle note déjà sur un carnet « les meilleures punchlines de ses copines », dévore les biographies, les témoignages, aimant « les gens qui parlent d’eux et qui parlent en "je" ». En terminale elle découvre, « émerveillée », Freud et Jung en cours de philosophie et un rêve se dessine : devenir psychologue. Elle rejoindra pourtant les rangs, nombreux, des étudiants qui entrent en fac de droit par défaut.
« Ma mère était inspectrice des douanes, un de mes oncles avocat, l’autre commissaire de police… on ne m’a pas trop laissé le choix », confie-t-elle. Heureusement le droit pénal lui plaît, en écho à sa fascination pour les émissions comme « Faites entrer l’accusé ». « Oui ça fait un peu cliché mais ça m’intéressait de comprendre pourquoi on devenait Guy Georges, Émile Louis ou Jean-Claude Roman. Ça donnait des indices sur l’intérêt que je portais à l’humain derrière le droit », analyse-t-elle.