Notre série "En quête de sens" s'intéresse à la trajectoire de travailleurs sociaux désireux de partager leur vision du métier. Directeur d’un établissement d’hébergement pour adolescents, puis d’une association de protection de l’enfance, Jérôme Bouts, éducateur spécialisé de métier, aujourd'hui retraité, appelle à la vigilance sur les nouveaux profils de direction.
C’était quoi un directeur d’établissement social ou médico-social « avant » ? Ou plutôt, c’était qui ?
Jérôme BoutsIl y a toujours eu des directeurs plutôt positionnés sur la gestion et les finances, et d’autres plus attentifs à la clinique éducative. C’était souvent eux-mêmes d’anciens travailleurs sociaux, mais cela n’est pas forcément un gage de qualité : on peut être un ancien éducateur et être nul en fonction de direction ! En tout cas ils portaient souvent la question des services et de l’établissement par le biais de la clinique.
Qu'est-ce qui a changé depuis ?
J. B.On observe depuis un moment un basculement de ces fonctions de direction, avec l’arrivée de personnes en reconversion, qui ne viennent pas du champ social, et qu’il faut d’autant plus former à la question clinique. La question est : les formations actuelles de directeurs le font-elles suffisamment ? Si le mot management n’est certes pas un gros mot, il doit être mis au service des projets et des professionnels, et non au strict service d’une rigueur administrative entrepreneuriale.
Pourquoi cette question de la clinique vous paraît-elle essentielle ?
J. B.Par clinique, j’entends un travail qui s’intéresse aux singularités de chacun, et non une gestion d’établissement à coups de volumes et de procédures. La clinique c'est considérer qu'un fait, un évènement, n'a pas la même résonance d'un individu à l'autre, et que la réponse apportée doit être au plus près de chaque personne concernée. Quand on est armé sur ces questions-là, on a un positionnement de direction qui va garantir la clinique à tous les étages de l’organisation et l’organigramme, jusqu’au choix des embauches.