Dans une tribune libre *, Dafna Mouchenik, directrice du service d'aide à domicile parisien Logivitae, appelle à parfaire l'articulation entre soins et aide à domicile des personnes en perte d'autonomie. Comment ? En redéfinissant les missions des Saad, Ssiad et Spasad et en faisant des auxiliaires de vie le premier "échelon commun".
Le soutien à domicile d’une personne en perte d’autonomie nécessite bien souvent, pour ne pas dire (presque) toujours, aide et soin. Pourtant, la juxtaposition des financements oblige les professionnels à travailler en silo, le sanitaire d’un côté et le médico-social de l’autre. Sous l’appellation « Service Polyvalent d’Aide et de Soins à Domicile - Spasad », solution de plus en plus plébiscitée par nos dirigeants, l’idée est d’affirmer la volonté qu’un même service, une même équipe pourrait soutenir la population qui aurait besoin à la fois de soins et d’aide à la vie quotidienne, et là pour le coup je signe direct et j’applaudis des deux mains.
Un même service mais une multitude de professionnels différents
Malheureusement, le Spasad dans son fonctionnement actuel reste encore et toujours « deux équipes (un Ssiad [service de soins infirmiers à domicile] et un Saad [service d’aide et d’accompagnement à domicile]) » qui cohabitent dans un même service, une sorte de colocation où chacun payerait une part du loyer mais sans pour autant devenir famille. Il ne doit son « P » qu’à cette coexistence, ne permettant pas pour autant la polyvalence de ses professionnels : pour une aide à la toilette/au lever/au coucher ou un change, il est contraint d’envoyer une aide-soignante et pour l’aide à la vie quotidienne, une auxiliaire de vie, là où il faudrait à la population ainsi accompagnée « du deux en un ».
Ainsi, même dans un Spasad, on continue à ne pas mélanger les torchons et les serviettes (preuve en est, la prime d’État Covid y a été dans un premier temps, accordée aux aides-soignantes et pas aux aides à domicile [1]). Au final, certes un même service mais une multitude de professionnels différents, des interventions courtes et fractionnées alors même que les personnes accompagnées et leurs soignants/soutenants ont besoin de temps et de lien.
« Il suffirait de presque rien »
Pourtant cette polyvalence existe déjà au sein des Saad. Les pros de l’adaptation, de la persévérance, ceux qui sont les premiers maillons de proximité auprès des plus fragiles, quotidiennement et sur la durée, ceux qui font lorsque personne d’autre n’est dispo, les chercheurs de solutions, les lanceurs d’alertes, les attentifs, les vigilants, les prenants soins, les coordinateurs, les transmetteurs et j’en oublie, c’est nous ! Pas que nous, mais toujours nous !
Comme le chante si bien Reggiani, « il suffirait de presque rien » pour faire de nos Saad de véritables services d’aide et de soins à domicile. Pas en juxtaposant une équipe de soignants à celle déjà en place mais en reconnaissant la polyvalence des auxiliaires de vie et en faisant d’elles le premier « échelon commun » professionnel de l’aide et du soin à domicile (ce qu’elles sont déjà dans les faits mais pas dans le financement de leur service). Cela permettrait de flécher sur elles un remboursement sécurité sociale/financement ARS lorsqu’elles réalisent des aides à la toilette, changes, aides au lever ou au coucher prescrits par un médecin. Aujourd’hui, ce financement n’est possible que lorsque c’est une infirmière libérale ou une aide-soignante via un Ssiad qui les réalise. Quand ce sont les Saad qui s’y collent, mauvais sort ou mauvaise fois, ce n’est plus du nursing, pas de prise en charge soins.
Parfaire la transformation
Ainsi les modes d’organisations actuels, loin de fusionner ou de disparaître verraient leurs missions redéfinies et élargies. Les Spasad actuels pourraient eux aussi mobiliser les auxiliaires de vie présentes dans leur équipe pour aider à la réalisation d’une douche et d’un change tout en permettant un financement soin. Ils pourraient réserver ainsi l’intervention de leurs aides-soignantes aux personnes alitées nécessitant une complète assistance pour réaliser toilette et change. Les Ssiad, dont le nombre de places reste insuffisant, seraient davantage disponibles pour la population ayant là encore véritablement besoin d’interventions médicalisées.
Enfin, nos Saad seraient financés pour toutes les aides à la toilette, aides aux changes, aides au lever et au coucher, réalisées par leurs auxiliaires de vie qui interviennent déjà auprès d’eux pour d’autres actes essentiels à la vie quotidienne sans que pour cela la personne n’ait à y consacrer une partie de son plan d’aide APA ou augmenter son reste à charge.
Pour parfaire complètement la transformation de ceux d’entre nous qui le souhaiteraient, nos services devraient pouvoir compter dans leur équipe, des postes financés d’infirmières notamment et ainsi ajouter leurs compétences sanitaires à celles des équipes de coordinateurs sociaux (c’est à mon sens ce que sont les responsables de secteurs) déjà en place.
La future loi autonomie doit apporter des solutions
Le secteur du Domicile est plus que jamais la première réponse pour tous les fragilisés par l’âge et la perte d’autonomie. La loi grand âge et autonomie financée par la 5e branche de la sécurité sociale en devenir doit solutionner les difficultés et les obstacles que rencontrent ses professionnels. Nul doute que notre pays en est capable et que nos services sont prêts pour cela.
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[*] Les tribunes libres sont rédigées sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas la rédaction.
[1] Depuis la déclaration le 4 août de notre président une prime de 1 000 € devrait leur être accordé même lorsque leurs collègues aides-soignantes ont touché 1 500 €.