Définis en 2017 suite à une démarche de consensus, les "besoins fondamentaux de l'enfant" doivent servir de boussole en matière d'action éducative. Dans cette tribune libre*, Didier Tronche, président de la Convention nationale des associations de protection de l'enfant (Cnape), plaide pour que les professionnels du travail social se saisissent davantage de ces acquis scientifiques.
La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi « Taquet », a un an cette semaine. Pour la première fois, elle reconnaît que l’atteinte aux besoins fondamentaux de l’enfant est une maltraitance.
Quels sont-ils ? Avant toute chose, un enfant, quels que soient son âge et son stade de développement, a un besoin de sécurité. Ce besoin est respecté si ses besoins physiologiques et de santé (être bien nourri, être propre), son besoin de protection (contre toute forme de violence, contre les dangers de l’environnement extérieur) et son besoin affectif et relationnel (être rassuré, conforté) sont tous trois pourvus.
L’enfant a ensuite besoin d’expérimenter et d’explorer le monde. Il a besoin de cadres, de règles et de limites. Il a besoin de s’estimer. Enfin, il doit savoir qui il est, qui il devient : c’est le besoin d’identité.
Clé de lecture fondamentale
Cette typologie des besoins a été reconnue par une démarche ministérielle de consensus de 2017, réalisée par la docteure Marie-Paule Martin-Blachais. Les apports théoriques, et particulièrement ceux relatifs à la théorie de l’attachement et les neurosciences, sont unanimes pour démontrer que répondre aux besoins fondamentaux de l’enfant participe de son développement physique, affectif, intellectuel et social.
En somme, il s’agit d’une clé de lecture fondamentale pour comprendre si un enfant va bien et, si ce n’est pas le cas, si les actions entreprises par les adultes pour s’occuper de lui, en premier lieu ses parents, vont dans le bon sens.
Des intervenants sociaux pas assez formés
Or, nous faisons face à un fossé immense entre ces acquis de la science et leur mise en application dans le quotidien des enfants accompagnés et accueillis, en protection de l’enfance tout particulièrement. Aujourd’hui, plus de quinze ans après que la loi l’a prévu, tous les services ne sont pas en mesure d’appuyer leur action éducative sur un « projet pour l’enfant ».
De très nombreux professionnels du travail social ou de la petite enfance ne sont pas armés et formés à l’approche par les besoins fondamentaux. Qu’ils interviennent dans le repérage des difficultés, en accompagnement des familles, dans l’évaluation des situations de risque de danger, directement auprès de l’enfant, ils sont tous concernés.
Cette nouvelle définition de leur mission, centrée sur les besoins fondamentaux, représente une réelle opportunité de renouveau de leur action éducative au quotidien.
Rendre la démarche accessible
Au-delà, ce sont tous les parents qui devraient être sensibilisés aux différents besoins fondamentaux des enfants dont ils sont responsables. N’ayons pas peur de le dire : tout l’enjeu du bien-être des générations futures réside dans la nécessité de combler ce manque de connaissance et d’appropriation.
La Cnape, principale fédération des associations de protection de l’enfant, se mobilise cette semaine pour rendre la démarche des besoins fondamentaux accessible à tous les professionnels de son réseau.
Mais il faudra aller plus loin. Il sera nécessaire de se mobiliser et d’œuvrer collectivement pour garantir à chaque enfant la réponse la plus précoce et adéquate à ses besoins. C’est un engagement qu’il nous faut prendre dès aujourd’hui, pour offrir à chacun un meilleur avenir demain.
Des « fiches repères » pour les professionnels de la protection de l'enfance
Pour « favoriser une culture commune » des besoins fondamentaux de l'enfant au sein des équipes éducatives, la Cnape publie des « fiches repères » (voir ci-dessous) afin de « mieux les armer dans leur pratique ».
Le guide présente « les apports théoriques concernant chaque besoin fondamental de l’enfant, son impact sur son développement et les effets d’une non-réponse ». Il livre aussi « des exemples de questions à se poser, au quotidien, dans l'accompagnement de l'enfant ou le soutien apporté à ses parents ».
La Cnape est la principale fédération des associations de protection de l'enfance, avec près de 180 organisations adhérentes.
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