Suite à différentes initiatives parlementaires et de collectivités, l’idée d’un statut pour les parents solos s’est imposée dans le débat public, sans être suivie, pour l’instant, par le gouvernement. De leur côté, les professionnels insistent sur la spécificité de ce public, qui endure des obstacles supplémentaires venant s'ajouter au poids déjà conséquent de la précarité.
Rapport sénatorial de mars 2024, « (…) Pour un changement des représentations sociétales », rapport de septembre 2024 du sénateur Xavier Iacovelli, mandaté par le gouvernement, pour « une meilleure prise en charge des familles monoparentales », proposition de loi « visant à renforcer l’autonomie des familles monoparentales et rendre leurs droits effectifs » déposée par la députée Aurore Bergé le 15 octobre 2024…
Ces dernières années, les familles monoparentales ont particulièrement retenu l’attention des acteurs de la vie politique. Stigmatisées, d'un côté, par ceux qui pointent leur supposée responsabilité dans les phénomènes de violences urbaines, elles font par ailleurs l'objet d'une forte préoccupation des pouvoirs publics quant à l'urgence sociale qu’elles représentent : 1 famille sur 4 en France est aujourd’hui composée d’un parent isolé (à 82 % une mère) avec un ou plusieurs enfants et 20 % d’entre elles vivent dans la pauvreté, contre 7 % pour les couples avec enfants (Observatoire des inégalités, données Insee 2018).
Une population plus pauvre
Par ailleurs, 41 % des enfants issus de familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté monétaire, soit 2,5 fois plus que les enfants issus d’une famille composée d'un couple, et 23 % de ce public occupe un logement surpeuplé contre 10 % des familles avec deux parents (Insee 2018 et 2019).
Les associations en lutte contre la précarité le répètent depuis plusieurs années : les familles monoparentales font partie de leurs publics en plus forte progression. Ceci alors que le phénomène social n'est pas si récent. « La part importante que prennent ces familles dans notre société n’est pas à traduire comme une explosion récente. Il a bien eu explosion dans les années 80 et 90, suite à la réforme du divorce de 1975, suivie, depuis, d’un ralentissement de cette progression », nuance ainsi Pierre Flamand, chargé de mission à l'Union nationale des associations familiales (Unaf).
Pas de « carte »
Bien qu'issus de bords politiques différents, les parlementaires qui ont planché sur la problématique se sont accordés à proposer la mise en place d’un statut ou d’une « carte famille monoparentale », qui viendraient ouvrir ou consolider des droits. On ignore pour l'heure si le nouvel exécutif se saisira de la problématique, mais le gouvernement Barnier (septembre – décembre 2024) n'y avait en tout cas pas donné de suite favorable.
La seule mesure récemment engagée sur ce dossier a été l’extension du complément de libre choix de mode de garde (pour la prise en charge partielle de la rémunération d’une assistante maternelle agréée) de 6 à 12 ans pour les familles monoparentales, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Projet tombé depuis, avec la censure du gouvernement. Quant à la surprime de Noël de 35 %, qui avait été versée fin 2023 aux familles monoparentales, elle n'a pas été reconduite en 2024, probablement du fait du contexte budgétaire.
Un statut discuté
Pas d'avancée forte à noter, donc, pour l'heure. Et la question d'un statut spécifique, écartée pour le moment, interroge observateurs et acteurs engagés auprès du public cible. Le directeur de l'Observatoire des inégalités, Louis Maurin, met ainsi en garde contre la tentation d’« essentialiser les personnes, on n’est pas que "mère isolée" ». De son côté, Marine Malberg, chargée de mission à la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), aimerait avoir l’assurance que « le cumul d’aides soit possible », sachant, pour l’avoir déjà observé, que « l’attribution d’une aide peut conduire à la suppression d'une autre ».
Initiatives locales
Sur le plan local, des villes de plus ou moins grande taille ont toutefois pris les devants, dans le cadre de leurs compétences, pour attribuer un statut ou des droits spécifiques à ces foyers. Montpellier (40 % de familles monoparentales) ou encore Ris-Orangis (30 % de familles monoparentales) semblent parmi les plus avancées. Cette dernière a mis en place en mai 2024 un statut communal assorti d’un plan de mesures.
Paris, qui compte 31 % de familles monoparentales, a récemment voté une formule de « carte famille monoparentale » dont le contenu sera précisé au printemps 2025, et qui devrait donner droit à un accès facilité aux modes de garde ou à des tarifs préférentiels concernant les loisirs.
« Si les villes ne peuvent pas initier ou agir sur les dispositifs nationaux, elles disposent de leviers à actionner », assure Colombe Brossel, sénatrice de Paris (également coautrices du rapport sénatorial sur les familles monoparentales de mars 2024), qui présente la future carte comme « un outil de facilitation administrative et de lutte contre le non-recours ».
Une politique familiale renouvelée
Le décalage entre l’échelon national et l’échelon local, qui n’est pas exempt du jeu des rivalités politiques entre majorité en place et élus locaux, ne doit pas cacher les récentes évolutions de la politique familiale en direction des familles monoparentales. Gaëlle Choquer Marchand, directrice des politiques familiales et sociales à la Cnaf, l’assure, il s’agit « d’un public (2,1 millions de personnes, à 90 % des femmes, sur 13,8 millions de bénéficiaires) pris en compte depuis longtemps » - citant l’allocation de soutien familial (ASF), le RSA majoré parent isolé ou encore le financement des crèches AVIP -, et « d’un sujet largement documenté par nos services afin d’éclairer les constats de terrain ».
La mise en place, en janvier 2021, du service public des pensions alimentaires géré par l'agence de recouvrement et d'intermédiation des pensions alimentaires (Aripa) avec l’intervention de la CAF, est venue débloquer de nombreuses situations, même si son fonctionnement n’est pas encore aussi fluide que souhaité.
Des situations « évolutives »
« Le levier du recouvrement des pensions est très apprécié, notamment parce qu’il soulage d’une lourde charge mentale et peut même améliorer la relation entre les deux parents. Il n’a pourtant pas encore donné tout son potentiel, rapporte la directrice. Nous aimerions aussi accompagner les pères (débiteurs) sur des questions d’ouverture de droits ».