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Interview11 octobre 2019
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[Film] Hors normes : quand l'autisme crève l'écran

Tout le monde a encore en mémoire l'éblouissant Intouchables. Dans quelques jours, ses deux réalisateurs sortent un nouveau film Hors normes qui plonge dans les réalités de l'autisme. Aperçu de cette comédie particulièrement réussie et rencontre avec Olivier Nakache, l'un des réalisateurs.

« Il y a ceux qui ne vous regardent plus et puis il y a les autres. Et croyez-moi, ils ne sont pas nombreux. » Interprétée par une magistrale Hélène Vincent, la mère d'un adulte autiste raconte l'isolement et la détresse de moult parents. C'est pour répondre à ce genre de situations que les deux héros de ce film interprétés par Vincent Cassel et Reda Kateb font vivre des structures au plus près des besoins. Ici, on ne compte pas ses heures, on se bat pour construire envers et contre tout un avenir à ces enfants de la République que celle-ci néglige.

Rencontre de l'autisme en 1992

Toute l'histoire de ce film réalisé par la paire Olivier Nakache (lire interview ci-dessous) et Eric Toledano, auteurs de Intouchables, mais aussi de Samba ou Le Sens de la fête, s'appuie sur l'expérience de deux associations franciliennes. L'une, présente à Saint-Denis et dans le 19e arrondissement, s'appelle Le Silence des justes et est portée par l'infatigable Stéphane Benhamou (interprété par Vincent Cassel). « J'ai rencontré l'autisme en 1992 en intégrant un adolescent qui souffrait de cette pathologie dans une colonie de vacances dont j'étais le directeur. J'ai créé Le Silence des justes quatre ans plus tard. »    

« Arrête de dire que tu vas trouver une solution »

Dans le film, l'association prend tous les risques, répond à toutes les situations, joue la carte - pas de tout repos - de l'intégration professionnelle des autistes. Le directeur se donne tellement que son président s'en inquiète : « Arrête de dire à tout le monde que tu vas trouver une solution », lui répète-t-il inlassablement. Le seul domaine où Stéphane se ménage, c'est sa vie affective un peu en jachère...

Vincent Cassel interprète Stéphane Benhamou Carole Bethuel © 2019 QUAD – TEN CINEMA
Daoud Tatou est joué par Reda Kateb Carole Bethuel © 2019 QUAD – TEN CINEMA

L'autre structure, implantée dans le 18e arrondissement, s'appelle Le Relais IDF et est dirigée par Daoud Tatou (Reda Kateb), ex moniteur-éducateur qui a travaillé avec le clown et psychologue américain Howard Buten. « Le Relais IDF a vu le jour en 2000, explique-t-il. Dès cette date, l'association a pris en charge durant les week-ends ces cas complexes que nous privilégions. Stéphane [Benhamou] et moi avons ensuite étendu le dispositif à la semaine. » 

Se prendre des droites toute la journée

Le fonctionnement de ces deux structures suscite peur et interrogations de la part des autorités et des financeurs. Dans le film, deux inspecteurs de l'Igas sont ainsi appelés à mettre le nez dans le fonctionnement d'une des associations (1). « Nous avons à charge de revenir à une situation qui donne plus de sécurité », explique l'inspectrice. Le duo de l'Igas est ébranlé par l'énergie des responsables et des équipes, très souvent recrutées dans les quartiers populaires. Quand on les interroge sur le manque de professionnels diplômés, ils répondent : « Vous connaissez beaucoup de diplômes qui préparent à se manger des droites toute la journée. » 

Formidable envie de vivre

Dans Hors normes, vous alternerez les larmes et les éclats de rire. La dureté des situations de l'autisme n'est pas écartée pour construire un joli conte. Cette dureté, on la prend en pleine figure à tout moment. Mais elle est adoucie, humanisée par des personnes éclairées par une formidable envie de vivre avec tous les humains.

Et alors, si après tous ces développements, vous n'avez toujours pas envie de vous précipiter dans une salle de cinéma qui diffuse Hors normes à partir du 23 octobre ou avant dans une séance spéciale (lire encadré), c'est à désespérer....     

(1) Les deux structures associatives ont été l'objet de rapports de l'Igas, tous favorables.

Vincent Cassel en discussion avec les deux réalisateurs Eric Toledano et Olivier Nakache (au centre) Carole Bethuel © 2019 QUAD – TEN CINEMA

Interview du réalisateur Olivier Nakache

Avec Eric Toledano, vous êtes inséparables. Qu'est-ce-qui vous lie ?

Olivier NakacheNous nous sommes rencontrés lorsque nous avions une quinzaine d'années et ne nous sommes plus séparés depuis (1). On s'est connu en colonie et ensuite on est devenu animateurs. Très tôt, nous avons été sensibilisés à la différence. Des mômes handicapés faisaient partie des colonies. Il y avait des autistes, mais nous ne savions pas ce qu'ils étaient. Dans les colonies, dans les classes, ces enfants avec difficulté devenaient souvent les mascottes. Nous sommes devenus très tôt des partisans de l'inclusion scolaire.

Comment avez-vous connu les deux associations dont vous parlez dans Hors normes ?

O. N.Eric devait passer son diplôme pour devenir directeur (BAFD) et c'est là qu'il a rencontré Stéphane Benhamou qui dirigeait un centre de vacances. Plus tard, il a créé son association Le Silence des justes et par son intermédiaire, nous avons connu l'association Relais IDF dirigée par Daoud Tatou qui avait travaillé auparavant avec Stéphane.

Qu'est ce qui vous a intéressé dans le travail de ces structures ?

O. N.Depuis une vingtaine d'années, nous les suivons. Nous avons réalisé pour ces associations un petit film de présentation. Ce qui nous intéresse chez ces deux associations, c'est qu'elles travaillent de façon multidimensionnelle. Elles essaient d'améliorer la vie des personnes les plus vulnérables et en même temps, elles permettent l'insertion des jeunes encadrants issus des quartiers populaires. 

Joseph tente de se faire une place dans une entreprise. Carole Bethuel © 2019 QUAD – TEN CINEMA
Carole Bethuel © 2019 QUAD – TEN CINEMA

Pour réaliser ce film, vous avez travaillé avec des personnes autistes. Qu'en avez-vous appris ?

O. N.J'ai vraiment l'impression qu'il faut écouter les autistes qui ne parlent pas. Dans leur façon d'être, ils nous disent des choses. Aussi surprenant que cela puisse paraître, je me sens apaisé avec eux.

Qu'est-ce qui fait le lien dans votre filmographie entre Nos Jours heureux, Intouchables, Samba, Le Sens de la fête et aujourd'hui Hors normes ?

O. N.Tous les deux, nous croyons beaucoup au collectif. J'aime bien cette citation de Steve Jobs, le fondateur d'Apple : « Si tu marches seul, tu peux aller vite. Si tu veux aller loin, il vaut mieux être plusieurs. » Sinon, dans tous nos films, nous essayons de détricoter les clichés qui traînent dans la société.

En 2011 sort Intouchables qui au box office français est le troisième film de tous les temps avec près de 20 millions de spectateurs. Le film a-t-il changé quelque chose pour la prise en compte du handicap ? 

O. N.Nous espérons que ce film a produit des effets et notamment que cela a fait naître des vocations pour travailler avec des personnes handicapées. Mais à la différence de Indigènes qui a permis la reconnaissance du rôle des combattants issus des colonies françaises, notre film n'a pas débouché sur une loi. Je me souviens cependant d'un courrier reçu de Claire, jeunes handicapée moteur : « Au lycée, votre film a changé ma vie. » L'évolution du regard, c'est très important.

Dans la société française, un autre groupe, les personnes âgées très dépendantes, souffre d'un regard très négatif. Ce sujet ne peut-il pas vous intéresser ?

 O. N.Pourquoi pas ? Toutes les problématiques sociales sont suceptibles de nous intéresser. Si je passe une journée en Ehpad, je vais ressentir des choses. Mais pour l'instant, ce n'est pas à l'ordre du jour. Notre cinéma est à la fois d'auteur et populaire. Nous cherchons à faire partager des émotions dans les salles... 

(1) Olivier Nakache a 46 ans et Eric Toledano, 48 ans.

Voir le film avant le 23 octobre

Pour découvrir le film de Toledano et Nakache, il y a deux solutions : attendre patiemment la sortie officielle du film (mercredi 23 octobre) ; se faufiler dans une avant-première. Depuis plusieurs semaines, les deux réalisateurs tournent dans toute la France, à l'invitation de structures spécialisées, notamment les Conférences régionales de l'autisme, Sésame autisme, les Aidants, etc. La plupart des séances se jouent à guichet fermé, mais sait-on jamais. Le plus sûr est de se rabattre sur les séances proposées par les salles de cinéma (liste des séances ici). Après avoir vu ce film, n'hésitez pas à nous faire part de votre réaction...

NoëlBOUTTIER
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