En sept ans, l'habitat inclusif, qui constitue une alternative à la vie à domicile ou en établissement, semble avoir fait ses preuves. Son régime juridique n'a toutefois cessé d'évoluer, depuis la loi "Elan" de 2018 jusqu'à la loi "Bien vieillir" de 2024.
La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite Elan) du 23 novembre 2018 a fixé le cadre juridique d'un dispositif alternatif à la vie à domicile ou à la vie en établissement médico-social : l'habitat inclusif.
Dans ces logements, les résidents vivent dans des espaces privatifs (chambre, salle de bains) tout en partageant des espaces communs (salon, cuisine) et un « projet de vie sociale et partagée ». L'objectif ? Favoriser le « vivre ensemble » et lutter contre l'isolement social des occupants.
Ce cadre s'inspire des différentes formules d'habitats mis en place par les acteurs associatifs depuis les années 2010 : habitats alternatifs, partagés, intermédiaires, groupés, diffus, solidaires, etc.
En effet, les professionnels et les familles n'ont pas attendu le législateur pour développer des modes d'accompagnement alternatifs en direction des personnes en situation de handicap et des personnes âgées, autonomes ou dépendantes.
Ces appellations diverses existent encore aujourd'hui. Ces lieux peuvent constituer des habitats inclusifs s'ils respectent la définition posée par la loi Elan et le cahier des charges associé. Le suivi de ces normes conditionne l'obtention d'un financement public.
Depuis qu'un cadre juridique a été fixé, le nombre de projets est passé de 658 en 2021 à 2 283 en 2024, d'après les données de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Et les chiffres ont augmenté de 13 % en 2024 par rapport à l'année précédente.
Malgré cette progression, de nombreux acteurs, comme le Réseau de l'habitat partagé et accompagné (Hapa), considèrent que le modèle souffre aujourd'hui « d'un cadre juridique, réglementaire et opérationnel [...] insuffisant ou ambigu, ce qui freine son déploiement et menace sa pérennité ». Ils appellent par exemple à « clarifier » l'aide à la vie partagée (AVP), qui assure le financement de ce type d'habitat.
Récemment, la loi « Bien vieillir » du 8 avril 2024 a acté de nouvelles mesures concernant l'habitat inclusif, notamment pour encadrer la réglementation en matière de sécurité contre les incendies. Et un décret du 1er juillet 2024 organise le travail des salariés exerçant dans les habitats inclusifs et qui y résident à titre principal.
Synthèse des règles qui entourent l'habitat inclusif en tenant compte des dernières évolutions juridiques.
1. Logements éligibles à l'habitat inclusif
Qu'est-ce que l'habitat inclusif ? Il est défini à l'article L. 281-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF) comme étant une forme d’habitat destinée aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un « mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes », assorti « d’un projet de vie sociale et partagée ».
Logements partagés ou autonomes
L’habitat inclusif est entendu :
- soit comme un logement partagé, meublé ou non, loué dans le cadre d’une colocation au sein du parc privé ou du parc social, en cohérence avec le projet de vie sociale et partagée ;
- soit comme un ensemble de plusieurs logements autonomes situés dans un immeuble ou un groupe d’immeubles, comprenant des locaux communs affectés au projet de vie sociale et partagée.
Logements-foyers ou du parc social
Il peut notamment être constitué dans :
- des logements-foyers accueillant des personnes handicapées ou des personnes âgées mais aussi des personnes défavorisées (article L. 633-1, alinéa 2 du code de la construction et de l'habitation), mais ils ne doivent pas être « soumis aux dispositions (...) applicables aux établissements et services sociaux et médico-sociaux » (article L. 281-1 du CASF) ;
- des logements du parc social construits ou aménagés spécifiquement pour des personnes en perte d’autonomie liée à l’âge ou au handicap, dans le cadre de programmes bénéficiant d’une autorisation spécifique délivrée par le préfet de département. Il s’agit des logements n’appartenant pas au contingent préfectoral.
Sécurité incendie
Au regard de la réglementation de sécurité incendie, les locaux dans lesquels est établi l'habitat inclusif doivent-ils être considérés comme des bâtiments d'habitation ou comme des établissements recevant du public (ERP), pour lesquels la réglementation est plus contraignante ? Le débat a été posé à la suite d'une décision du Conseil d'État du 20 février 2023, où le juge a requalifié un habitat inclusif de la ville du Mans en ERP.
La loi « Bien vieillir » du 8 avril 2024 est venue clarifier la question : elle précise qu'en matière de sécurité incendie, les locaux dans lesquels est établi l'habitat inclusif constituent des bâtiments à usage d'habitation. Toutefois, des règles spécifiques en matière de sécurité contre les risques d'incendie doivent être déterminées par voie réglementaire. La réglementation devra être adaptée en fonction du degré de perte d'autonomie des habitants.
Ce n'est pas un établissement médico-social
La loi Elan ne permet pas que ces logements inclusifs soient constitués dans des résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS), des résidences universitaires ou des résidences services.
L'habitat inclusif ne peut pas non plus être constitué dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées ou pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), dont les petites unités de vie (PUV), une résidence autonomie, ou encore un foyer de vie ou un foyer d’hébergement, précise une instruction du 4 juillet 2019.
Pas de contrôle comme dans les ESSMS
L'habitat inclusif relève du droit commun du logement. Ce n'est pas un établissement ou service social et médico-social (ESSMS). Il ne peut donc « pas faire l’objet des contrôles prévus dans le cadre des ESSMS par les autorités de tarification », précise l'instruction du 4 juillet 2019.