Après la parution du livre du journaliste Thibault Petit, enquête à charge contre les Esat, de nombreux directeurs dénoncent une vision partiale et éloignée de la réalité de l’ensemble du secteur. Point par point, ils défendent leur mission, complexe et évolutive, dans une société toujours aussi peu inclusive.
En feuilletant le livre « Handicap à vendre » de Thibault Petit, un souvenir surgit chez les plus anciens directeurs d’établissements et services d'aide par le travail (Esat) : la parution en 2002 de « L’enquête interdite » de Pascal Gobry.
Ce haut fonctionnaire, ex-administrateur de l’Insee, dressait déjà un tableau noir des centres d’aide par le travail (CAT, selon la terminologie de l'époque), qu’il dépeignait en « usines » exploitant des « handicapés » pour 400 francs par mois à raison de 39 heures de travail par semaine.
Vingt après, Thibault Petit utilise le même vocabulaire, « usine pour handicapés », « usine pour chômeurs » dans son ouvrage en forme d’enquête à charge sur les Esat dont aucun, à le lire, ne présenterait la moindre vertu.
« Très fier du travail accompli »
Alain-Paul Perrou, vice-président de l’association nationale des Esat (Andicat), fondateur en 1993 d’un Esat innovant à Mézin (47) destiné aux personnes en situation de handicap psychique, se souvient bien du livre de Pascal Gobry.
« À l’époque, ulcéré, j’avais aussitôt convié la presse et la télévision dans l’établissement pour leur montrer notre travail, raconte-t-il. Je n’avais rien à cacher et pour cause, j’étais très fier du travail accompli, à 1 000 lieues de ce qui était dépeint dans le livre ».
Ateliers intégrés et vie sociale
Des ateliers intégrés dans le village, des logements adaptés à chacun, une « brocante » pour les travailleurs en situation de crise psychique ou de fatigue afin qu’ils « se réparent à leur rythme », un accompagnement individualisé, un accès à la vie sociale, un partenariat avec le Canada ou le Maroc permettant des voyages... À Mézin la réalité est bien éloignée de l’univers décrit dans « Handicap à vendre ».
Auparavant, toutes ces personnes végétaient à l’hôpital psychiatrique d’Agen ou chez leurs parents : était-ce une vie ?
Une sélection à l'entrée ?
Pour autant, impossible de faire fi de certains faits rapportés dans le livre, comme la « sélection » de certains travailleurs à l’entrée par des Esat obnubilés par la productivité, oubliant leur mission première, médico-sociale.