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Handicap : prendre le train de la communication alternative et améliorée

Longs FormatsLaetitia DELHON12 septembre 2024
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Depuis une dizaine d’années, dans le droit fil de l’autodétermination, les outils de communication pour les personnes présentant des altérations de la parole ou du langage se développent. Mais alors que la communication alternative et améliorée doit devenir obligatoire en 2027 dans les établissements et services, elle repose pour l'heure essentiellement sur l’énergie des professionnels et des parents.

Quand on lui demande comment il va, Mohamed Amri répond « ça va tranquille ». Avec une touche d’humour en plus, le Toulousain de 21 ans parle comme tous les jeunes de son âge. À ceci près qu’il communique au moyen d’une synthèse vocale et d’une licorne attachée à son casque, avec laquelle il tape les lettres sur sa tablette. 

C’est donc la voix du logiciel qui résonne, car lui ne peut pas parler. Mohamed a eu sa première tablette à 11 ans, accompagné par l’Association Agir soigner éduquer inclure (ASEI) (lire notre reportage ci-dessous).

Potentiel d’interaction

Mohamed Amri, 21 ans, a eu sa première tablette à 11 ans, accompagné par l'ASEI. Il aime « écouter de la musique, regarder le foot et être sur les réseaux sociaux ». DR

« J’aime écouter de la musique, regarder le foot, et être sur les réseaux sociaux, TikTok et Instagram », décrit-il. Entouré de sa mère et son frère, avec lesquels il communique aussi par le regard et des mouvements de tête, il insiste : « Il faut prendre le temps pour communiquer ; il y a des gens qui ne le comprennent pas ou qui n’ont pas envie de le comprendre ». Lui multiplie les occasions de montrer le potentiel d’interaction de la CAA, qui permet d’accéder au droit fondamental de s’exprimer et communiquer.

La CAA regroupe en effet l’ensemble des outils et méthodes qui permettent de soutenir et d’améliorer la communication des personnes ayant des limitations dans la parole et/ou le langage, notamment en cas de paralysie cérébrale, de troubles de l’autisme, d’un syndrome génétique ou d’une maladie neurodégénérative. Cahiers et tableaux de communication, signes et gestes, logiciels : les supports sont multiples et variés, souvent combinés (lire notre encadré).

Une communication multimodale

« On a tendance à penser que la CAA s’arrête aux outils, mais il s’agit d’une communication multimodale, qui utilise aussi le corps, les mains, le regard, souligne Christelle Tréhet-Collet, présidente de l’association HandiCap’ Anjou. L'idée, pour la personne, c'est de pouvoir dire "ce que je veux, quand je veux, où je veux et avec qui je veux" ».

Christelle Tréhet-Collet, présidente de l’association HandiCap’ Anjou DR

La CAA s’est progressivement implantée en France dans les années 1970, grâce à des ergothérapeutes formés à des méthodes nord-américaines, dont le premier tableau Bliss composé de symboles complexes. L’arrivée d’Internet et des premiers ordinateurs, ainsi que de la neuropsychologie, ont ensuite permis le développement de nouveaux outils plus performants et complets.

Parents et professionnels ensemble

Mais ce déploiement s’est fait de manière inégale, reposant surtout sur l’énergie de professionnels et de familles très motivés. Ensemble ils ont créé en 1997 l’association Isaac Francophone, qui regroupe la France, la Belgique et la Suisse, ainsi qu’une quarantaine de relais locaux dans d’autres pays, dont le but est de faire vivre et reconnaître la CAA.

« L’association s’appuie sur un conseil scientifique et a créé la première certification d’intervenants en CAA reconnue par France Compétences, décrit Sandrine Eifermann Soutarson, ancienne présidente aujourd’hui administratrice. Composée de professionnels engagés, de familles et de personnes directement concernées, elle organise des colloques et des webinaires, des actions de sensibilisation, des formations, toujours dans une démarche d'accompagnement des familles et de respect des droits de chacun ».

Pas à la mode

Le Podd (en français, tableau dynamique à organisation pragmatique) est un ensemble de classeurs composés de pictogrammes, inventé par l’orthophoniste australienne Gayle Porter. DR

Mathilde Suc Mella, dirigeante de l’organisme de formation CAApables, a découvert la CAA avec son fils Jonas, 17 ans, porteur d’un syndrome génétique rare. « En 2009, 15 jours après que j'ai appris qu’il ne pourrait jamais parler de sa vie, j’ai suivi ma première formation en CAA, que j’ai découvert sur Internet. C’était très confidentiel, pas du tout à la mode », se souvient la professeure de français toulousaine.

Former l'écosystème

Elle part alors en Europe du Nord se former à des outils et techniques non développés en France, découvrant le Podd (en français, tableau dynamique à organisation pragmatique), un ensemble de classeurs composés de pictogrammes inventé par l’orthophoniste australienne Gayle Porter. 

Mathilde Suc Mella devient la première formatrice française en 2018. « Il existe de nombreux Podd variés, on choisit celui qui correspond à l’utilisateur. Ce qui m’intéresse, c’est la démarche globale, comment on l’apprend, comment on forme l’entourage, car c’est tout l’écosystème qu’il faut rééduquer, pas juste la personne ».

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