Plus de trois semaines après le début du confinement, les personnes handicapées psychiques sont en grande souffrance, alerte Marie-Jeanne Richard, présidente de l'Unafam [1]. Elle reconnaît que des bonnes pratiques d'accompagnement émergent pendant la crise du Covid-19.
Que s'est-il passé, au début du confinement, pour les personnes souffrant de troubles psychiques ?
Marie-Jeanne RichardCertains personnes hospitalisées sont rentrées dans leur famille. D'autres sont restées confinées dans des établissements médico-sociaux. Celles qui vivent en logement autonome ont pu regagner le domicile de leurs proches, ou bien établir avec eux des contacts fréquents, par Skype notamment. Au début, tout le monde a essayé de gérer l'urgence tant bien que mal et c'est aujourd'hui que les situations se dégradent.
C'est-à-dire ?
MJRCertaines personnes sont en rupture de soins, ne prennent plus leurs médicaments, ne répondent plus au téléphone. D'autres déjà décompensent et se retrouvent hospitalisées. Des cas de maltraitance nous sont aussi remontés : il s'agit de malades qui violentent leur proches ou inversement. Des situations de ce type existent aussi dans les établissements sanitaires ou médico-sociaux où les professionnel, démunis face à des personnes qui ne comprennent pas les mesures de confinement, ont parfois recours à une surmédicalisation ou à la contention.
Comment cela s'explique-t-il ?
MJRPour ce public, le confinement génère une grande anxiété, en particulier chez les adolescents qui ont besoin de sortir, de déambuler et d'avoir des contacts physiques. D'où leurs difficultés à respecter les gestes barrières. Par ailleurs, les personnes avec troubles psychiques ont besoin de respecter des rituels - se lever à heure fixe, se coucher à heure fixe - or la désorganisation du rythme de vie peut conduire à des rechutes.
Comment sont-elles accompagnées ?
MJR87 % des personnes handicapées psychiques sont suivies en ambulatoire. Les centres-médico-psychologiques (CMP) et les hôpitaux se sont rapidement organisés pour maintenir des contacts par téléphone ou par vidéotransmission. C'est très nouveau dans ce secteur où souvent les téléphones et outils numériques sont plutôt confisqués par les soignants. Il faudra d'ailleurs retenir ces nouvelles modalités d'accompagnement pour l'avenir ! Néanmoins la situation est très hétérogène selon les territoires. Là où il n'y avait déjà pas assez de soignants, le manque de moyens est encore plus criant.
Certaines personnes restent sans solution d'accompagnement...
MJRCertains sont reconnus handicapés mais, faute de place disponible, n'ont aucun accompagnement à domicile de type Samsah, SAVS ou service d'aide à domicile. Leur extrême isolement, leur situation de précarité, les rend encore plus vulnérables. Le déficit abyssal de l'offre d'accompagnement social et médico-social qui préexistait avant le Covid se ressent encore plus fort.
Que préconisez-vous ?
MJRNous espérons que les CMP vont mettre en place des consultations en présentiel pour les situations à risques. Une note du comité de pilotage de la psychiatrie [instance de réflexion nationale qui fédère professionnels et usagers, NDLR] sur la mise en place de ces soins gradués va paraître très prochainement. Autre priorité : les soignants doivent aussi soutenir l'entourage de la personne, d'autant plus s'il s'agit d'un jeune dont la famille n'est pas très informée de la maladie. C'est ce que la Haute Autorité de santé (HAS) préconise dans ses recommandations du 2 avril pour prendre en charge les personnes à domicile pendant le confinement et auxquelles nous avons été associées (voir encadré). Sur le terrain, ce lien avec l'entourage est d'ailleurs bien pris en compte à travers des plateformes téléphoniques d'écoute et de guidance. La crise sanitaire aura permis cette reconnaissance de l'entourage de la personne, que nous appelons de nos vœux depuis des années !
Vous plaidez aussi pour des solutions de répit pour les aidants...
MJRIl faut soulager les familles, sur qui pèse une extrême charge mentale pendant cette période. La réouverture partielle de certaines structures pour de l'accueil temporaire est une bonne chose si elle se fait dans des conditions sanitaires sécurisées. Comme dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), des masques et des tests diagnostics doivent être déployés pour que les familles n'aient pas la crainte d'envoyer leur proche dans un lieu où circule le virus. Nous serons vigilants pour que les annonces des ministres Olivier Veran et Sophie Cluzel se traduisent dans les faits et de manière homogène sur les territoires.
[1] Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques
Malades psychiques : la HAS incite à la coopération des acteurs
« Le contexte anxiogène et le confinement en lui-même peuvent être source de fragilisation de l'état psychique de la personne », rappelle la Haute autorité de santé (HAS), dans ses recommandations pour la prise en charge des patients souffrant de pathologies psychiatriques en situation de confinement à leur domicile, diffusées le 2 avril. L'instance plaide notamment pour le maintien de l'offre de soins ambulatoires en privilégiant le recours aux prises en charge à distance (vidéotransmission, à défaut par téléphone), tout en maintenant la possibilité de consultations en tête à tête ou de visites à domicile. Parmi ses autres préconisations : assurer une coordination et une coopération renforcées entre les acteurs de la psychiatrie, les médecins généralistes et les autres professionnels comme ceux des secteurs médico-social et social. Un lien avec les services sociaux des communes et les centres communaux d'action sociale (CCAS) est « nécessaire pour les situations de grande vulnérabilité ».
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