Le versement indu de prestations sociales peut être lié à de la fraude ou à une simple erreur de l’allocataire. Il n’est pas toujours aisé de déterminer si c’est l’une ou l’autre qui est à l’origine de l’indu, comme en témoigne le contentieux foisonnant en la matière.
Dans un contexte de dette publique particulièrement élevée dans le pays, le gouvernement de Michel Barnier a annoncé faire de la lutte contre la fraude sociale une priorité. Pour 2025, l'objectif est de dégager environ 0,9 milliard d'euros (Md€).
Avant lui, l'ancien Premier ministre Gabriel Attal se félicitait déjà, le 20 mars 2024, de son bilan contre la fraude aux prestations sociales en 2023 (400 millions d’euros recouvrés). Pourtant, le versement d’indus, c’est-à-dire les prestations versées à un allocataire qui ne devrait pas en bénéficier, est le plus souvent lié à des erreurs.
Commençons par rappeler que la fraude se caractérise par l’intention d’un allocataire de tromper un organisme de protection sociale en vue d’obtenir une prestation à laquelle il n’est pas éligible. La fraude peut ainsi être à l’origine d’un indu, en revanche ce dernier n’a pas nécessairement un caractère frauduleux. L’indu peut aussi bien résulter d’une erreur de l’organisme social, d’un oubli ou encore de déclarations erronées de la part de l’allocataire.
Dans tous les cas, que l’on soit en présence d’une fraude ou d’une erreur, les sommes versées en trop à l’allocataire doivent être remboursées à la caisse qui est à l’origine du versement. Dans l’hypothèse d’une fraude, l’allocataire s’expose, en plus, à des sanctions.
En pratique, l’existence d’une fraude n’est pas toujours aisée à apprécier. Le contentieux se révèle d’ailleurs important en ce qui concerne la détermination de la bonne ou mauvaise foi d’un allocataire ayant perçu indûment des prestations sociales.
Plus largement, les sommes versées à tort résultent très souvent d’erreurs liées à une mauvaise appréciation de la part des allocataires de la composition du foyer, ce dont témoignent les nombreuses affaires portées devant le Conseil d’État et la Cour de cassation.
Ce dossier juridique explore la jurisprudence récente portant sur les indus et la fraude aux prestations sociales versées par les caisses d’allocations familiales (CAF), telles que les aides au logement, le revenu de solidarité active (RSA) ou encore les prestations familiales.
1. Détection des erreurs donnant lieu à indu
Lorsqu’une caisse des allocations familiales (CAF) soupçonne qu’une prestation a été versée à tort à un allocataire, une « procédure de recouvrement d’indus » se met en place. Celle-ci se déroule en plusieurs étapes, au cours desquelles l’allocataire a un droit de contestation. La mise en œuvre de cette procédure peut générer des difficultés d’interprétation, d’où le nombre important de décisions rendues par les juges en la matière.
Obtention d'informations auprès des tiers
Tout commence en général par un contrôle exercé par une CAF à l’encontre d’un allocataire qui, le plus souvent, a lieu à la suite du versement d’une aide par la caisse.
Pour opérer ces contrôles, la caisse est en droit d’obtenir les documents et informations nécessaires auprès de tiers, sans que s’y oppose le secret professionnel, notamment pour vérifier l’exactitude des déclarations effectuées par l’allocataire.
Ce « droit de communication » impose toutefois à la caisse d’informer l’allocataire concerné de la nature des informations qui ont été obtenues auprès de tiers.
Le fait pour un allocataire d’avoir rempli et signé le document « procédure contradictoire », ainsi que d’avoir été averti de la communication de ses informations personnelles par sa banque à la CAF suffit à justifier que cette dernière n’a pas manqué à son devoir d’information, a jugé le Conseil d’État dans un arrêt du 5 avril 2024.
Notification du remboursement
Ensuite, la CAF informe l’allocataire par écrit du montant qu’elle va lui demander de rembourser. Notons que les indus peuvent être réclamés par la caisse dans un délai de deux ans à compter du versement à tort des prestations.
La décision notifiée doit préciser « la nature et la date du ou des versements en cause, le montant des sommes réclamées et le motif justifiant la récupération de l'indu ». En revanche, il n’y a pas lieu « d’indiquer dans cette décision les éléments servant au calcul du montant de l’indu », a récemment expliqué le Conseil d’État dans un arrêt rendu le 5 avril 2024.
De plus, la décision doit mentionner les modalités selon lesquelles l'assuré peut exercer son droit à l'erreur. En effet, l'intéressé peut, dans un délai de 20 jours à compter de la réception de la notification, « demander la rectification des informations » ayant causé l'indu.
Enfin, l'allocataire est informé dans la décision que, s'il n'a pas, dans le délai de 20 jours, fait usage de son droit à l'erreur ni remboursé les sommes ni accepté le principe d'un échéancier de paiement, la CAF pourra récupérer les sommes indûment versées (voir le paragraphe ci-dessous « Modalités du recouvrement »).