Emploi, logement, maîtrise de la langue : des freins nombreux et spécifiques entravent l'intégration pleine et entière des réfugiés en France. En réponse, l’État augmente les budgets et cherche à renforcer le dialogue interministériel. Objectif : éviter l'éclatement de l'accompagnement et proposer aux intéressés un suivi global et adapté.
On l'a vu encore récemment, avec la violente évacuation menée à Paris fin novembre par les forces de l'ordre, les campements constituent probablement le symbole le plus fort de la crise de l'accueil des personnes exilées en France. Fréquemment démantelés, aussitôt renouvelés, ils en viennent à faire partie du paysage urbain.
Un manquement aux droits des demandeurs d'asile à un hébergement décent, pour lequel la France a reçu une double condamnation du Conseil d’État et de la Cour européenne des Droits de l'Homme.
Statuer plus vite
Face à ce défi de taille, les autorités publiques se sont engagées à accélérer les procédures de demande d'asile. But de l'action : statuer plus rapidement sur la légitimité de ces personnes à rester sur le territoire. En clair, distinguer les personnes qui relèvent de l'asile et doivent être accueillies au titre de la convention de Genève, de celles qualifiées de « migrants économiques », destinées à être expulsées.
« Notre politique d’immigration s’articule autour de deux piliers », rappelait Christophe Castaner, alors ministre de l'Intérieur, en 2018 : « Accueillir généreusement ceux qui sont exposés et en font la demande légale et légitime, et éloigner effectivement ceux qui sont en situation irrégulière. C’est un équilibre que nous devons préserver. »
Droit commun
Le statut de réfugié garantit à ceux et celles qui l'obtiennent les mêmes droits que l'ensemble des citoyens français : accompagnement dans l'accès à l'emploi, à la formation, droits aux aides sociales. Devenus réfugiés, les anciens demandeurs d'asile basculent donc dans le droit commun.
Mais dans les faits, l'obtention de ce statut marque pour certains l'entrée dans un nouveau parcours du combattant, voire une rupture dans l’accompagnement dont ils avaient bénéficié en tant que demandeur d'asile.
Habiter
Premier défi, le logement. Les personnes résidant en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) bénéficient de trois mois, renouvelables une fois, pour trouver un logement. Mais accéder à un logement privé dans ces délais relève souvent de l'impossible. Les démarches pour l'accès à un logement social peuvent elles aussi se révéler bien plus longues.
En réponse, le gouvernement a amorcé ces dernières années un important mouvement de création de places dans les centres provisoires d'hébergement (CPH), spécifiquement réservés aux personnes venant d'obtenir le statut de réfugié.
Un effort insuffisant
« Limité pendant vingt ans à 1 083 places, le dispositif a connu un doublement avec la création de 1 000 places supplémentaires en 2017 », indique un récent rapport de la Cimade. Le mouvement s'est poursuivi, avec 3 000 places supplémentaires créées en 2018, et 2 000 en 2019.
Les CPH offrent aujourd'hui 8 710 places à l'ensemble des réfugiés du territoire. Si elle salue l'effort, la Fédération de la solidarité (FAS) déplore une offre toujours inférieure aux besoins (lire notre entretien ci-dessous).
Des changements
Mais le logement, s'il est souvent la problématique première, ne suffit bien évidemment pas à l'intégration. « Le constat est unanime parmi les acteurs de terrain : l’insertion linguistique, économique et sociale des personnes que nous accueillons est insuffisante », regrettait en février 2018 le député Aurélien Taché, dans son rapport au Premier ministre, « Pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France ».
Le député proposait, en 72 points, une « politique d'intégration cohérente et ambitieuse ». En réponse, l’État a amorcé des changements sur plusieurs points.
Formation linguistique
Premier engagement : aller vers un renforcement du contrat d'intégration républicaine (CIR). Signé par tous les étrangers accueillis en France, il comprend, entre autres, une formation linguistique et citoyenne.
Le nombre d’heures maximum de cours de français, initialement fixé à 200, passe à 400 heures en 2019 et peut même aller jusqu'à 600 heures pour les personnes n'ayant jamais été scolarisées. Une évaluation préalable permet d'adapter le parcours de formation linguistique au niveau de la personne.
Objectif : diminuer le nombre des personnes n’atteignant pas le niveau A1 à l'issue de la formation. En 2018, 40 % des personnes ne parvenaient pas à obtenir ce niveau, défini par la « capacité à interagir simplement, à comprendre et exprimer, à l’écrit comme à l’oral, des messages peu complexes dans des domaines qui concernent l’apprenant ou qui lui sont familiers. »
Formation civique
Les journées de formation civiques ont elles aussi été doublées, passant de deux à quatre. Édouard Philippe, alors Premier ministre, a souhaité « une formation civique réinventée, pour une participation plus active des étrangers dans la société. »
Mais un tel objectif est-il atteignable en quatre jours ?