Chaque jour, elle sillonne les rues, squats et bidonvilles de Marseille pour aller chercher les enfants les plus éloignés des bancs de l’école et tenter, progressivement, de les y amener. Rencontre avec Jane Bouvier, fondatrice de l’association l’École au présent, qui a aidé à scolariser un millier d’enfants en dix ans.
Derrière une porte de tôle, des maisonnettes faites de bric et de broc, à quelques pas de la passerelle d’autoroute qui enjambe le quartier de Saint-Mauront. Au milieu de l’allée centrale du campement, une femme tresse les cheveux d’une petite fille.
Une habituée des bidonvilles
Lorsque Jane Bouvier passe le seuil du campement, un quinquagénaire coiffé d’un chapeau de feutre s’avance vers elle. Les regards sont interrogateurs, mais pas méfiants : tous connaissent cette femme fluette aux yeux brillants qui, depuis plus de dix ans, parcourt les bidonvilles, squats et hôtels meublés de Marseille.
« Est-ce que Cristian est là ? », demande Jane d’une voix douce. Le père de Chanela apparaît bientôt : il sera bien au rendez-vous, dans 10 minutes, à l’école Félix Pyat pour y inscrire sa fille de 7 ans.
Convaincre de l'intérêt de l'école
« Cela n’a pas été évident de le convaincre », souffle Jane avant d’arriver à l’école. Faire comprendre quel est l’intérêt de l’école dans des familles où, depuis plusieurs générations, on n’y est pas ou peu allé, c’est l’un des nœuds au cœur de son travail. « Le plus difficile, ce n’est pas d’inscrire les enfants à l’école, mais qu’ils y aillent régulièrement », explique la quadragénaire.
Depuis deux ans, elle n’est plus seule face à cette tâche gigantesque. « J’ai pu embaucher trois médiateurs grâce à un financement de l'État. Ils travaillent sur l’assiduité, vont voir les parents dès qu’un élève est absent… Ce sont des jeunes Roms que j’avais accompagnés, ça facilite beaucoup les échanges avec les familles. »