Le dispositif d’apprentissage, sous utilisé jusqu’à présent dans le secteur social et médico-social, se développe sous l’impulsion des politiques publiques. Le but : former de nouveaux professionnels, notamment sur des métiers en tension. Mais des freins demeurent encore à la croissance de ces formations alliant théorie et terrain.
Ils poussent comme des champignons ! Pas un mois sans que la création d’un centre de formation des apprentis (CFA) pour les métiers du social et du médico-social ne soit annoncée.
Des exemples ? Ceux de la Croix-Rouge française - également spécialisée dans le champ sanitaire -, de Korian, l’entreprise spécialiste du grand âge, ou encore de Domicile Valley pour les métiers de l’aide à domicile (lancé avec le réseau associatif APA).
Des créations et déploiements
« On voit fleurir de nouveaux CFA, certains portés par des entreprises, des universités, des organismes de formation de notre réseau, ou d’autres venant de la santé et qui s’étendent au social », confirme Diane Bossière, déléguée générale de l’Union nationale des acteurs de formation et de recherche en intervention sociale (Unaforis).
« Certains CFA "hors les murs" déjà existants se déploient et se renforcent en créant des unités de formation par apprentissage (UFA), tandis que d’autres sont mis à mal par l’apparition de nouveaux CFA ».
En pleine mutation
Le secteur est en pleine mutation, conséquence de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui simplifie le lancement de ces structures et supprime la compétence des régions en la matière. Le but : développer cette voie de formation accessible aux jeunes de 15 à 29 ans, contre 25 auparavant.
« Les places en apprentissage sortent désormais du cadre des agréments, note, avec une pointe d’inquiétude, Christophe Verron, directeur général de l’Association régionale pour l’institut de formation en travail social (Arifts) des Pays de la Loire. Ce marché n’est plus du tout régulé, n’importe quel organisme peut ouvrir des places pour les formations qu’il souhaite ».
Disparités territoriales
Cécile Formeau, directrice générale adjointe de l’Institut d’enseignement supérieur de travail social (IETS) de Nice, nuance quelque peu : « De nouveaux acteurs vont arriver, c’est très ouvert, mais il faut être inscrit dans une démarche qualité - entre autres - pour pouvoir dispenser de la formation ».
Autre conséquence, de grandes disparités territoriales apparaissent, fonction des régions qui délivrent les agréments sur les formations sanitaires et sociales et peuvent décider de mettre en place une politique de vases communicants : baisser le nombre de places financées en formation initiale, à raison de celles développées en apprentissage… Obligeant une partie des centres de formation à jongler entre les deux dispositifs.
Le nombre d’apprentis augmente
Cette multiplication des centres de formation s’accompagne d’une croissance des contrats d’apprentissage, boostée par les aides de l’État dans le contexte de la crise sanitaire (lire encadré). Selon l’opérateur de compétences (Opco) Santé, le nombre d’apprentis est en croissance de plus de 40 % entre 2019 et 2020, majoritairement sur les formations d’aide-soignant, d’accompagnant éducatif et social et d’éducateur spécialisé.
« Les mesures incitatives fonctionnent auprès des employeurs, confirme Cécile Formeau. Nos effectifs d’apprentis sont en hausse sur tous nos métiers ».
Un pari prometteur
Mais le secteur part de loin, le dispositif d’apprentissage y étant encore sous-exploité. « Nous faisons le pari que les jeunes qui choisissent l’apprentissage ne sont pas les mêmes que ceux de la formation initiale, ajoute Diane Bossière. Les métiers du social peuvent devenir plus attractifs en développant cette deuxième voie pour ceux qui veulent une formation professionnelle avec un contrat de travail ».
« L’apprentissage constitue un excellent levier de formation et de fidélisation », avance de son côté la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires (Fehap) alors que « les métiers du soin et de l’accompagnement souffrent d’un déficit d’attractivité ».
Former sur des métiers en tension
Car l’apprentissage, c’est l'opportunité pour des employeurs de se lancer dans une gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) efficiente, de recruter de nouveaux profils, de former et d’acculturer des professionnels. Notamment dans le secteur de l’aide et des soins à domicile où l’absence d’enveloppe financière fléchée, avant 2018, faisait rempart à son développement.
« C’est un sujet majeur car nous avons une problématique très forte à la fois d’attractivité sur nos métiers et de renouvellement des effectifs », précise Hélène Lemasson-Godin, directrice relations sociales et ressources humaines réseau à l’Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles (UNA).
L'apprentissage doit nous permettre d'attirer des jeunes
Hélène Lemasson-Godin, UNA
En 2021, le réseau aura en effet besoin de recruter 10 000 professionnels, dont 4 000 employés à domicile et auxiliaires de vie sociale, deux métiers qualifiés. « L’apprentissage doit nous permettre d’attirer des jeunes et d’avoir une pyramide des âges légèrement moins vieillissante ».
« C’est aussi un moyen de contribuer à notre mission d’inclusion sociale en aidant un certain nombre de jeunes qui n’ont pas forcément des profils très scolaires à se former, sur le terrain », ajoute Frédéric Hoibian, président du CFA sanitaire et social en Occitanie - qui forme actuellement 600 apprentis - et directeur général de l’Adages.