Les acteurs de l'insertion par l'activité économique (IAE) sont aujourd'hui face à un défi : répondre à une exigence de développement accéléré tout en préservant leurs valeurs fondatrices. En effet, comment atteindre le plein emploi tout en accompagnant les plus les éloignés de l'insertion sociale et professionnelle ?
Le président de la République a fermement fixé le cap et le rythme : il souhaite que l'insertion par l'activité économique (IAE) passe de 140 000 à 240 000 contrats (soit environ 55 000 équivalents temps plein) d'ici à 2022. Une annonce faite, en septembre 2018, lors de la présentation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, qui donne ainsi à l'IAE - environ 3 900 opérateurs (1) - le rôle de dispositif pivot du retour à l'emploi des plus précaires.
Plus d'un milliard pour l'IAE
La première marche vers cet objectif a été franchie le 10 septembre 2019, quand, dans le cadre du lancement du service public de l'insertion, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a annoncé que, « pour la première fois », son ministère allait consacrer, en 2020, plus d'un milliard d'euros au secteur de l'IAE. Une avancée qui permettra aux structures d'accueillir pour 2020 « 20 000 personnes de plus. Et chaque année, 20 000 personnes de plus » encore.
L'ambition du président de la République s'appuie sur une préconisation du rapport « Donnons-nous les moyens de l'inclusion » (janvier 2018), de Jean-Marc Borello, président du groupe SOS. Lequel encourageait à « un pacte d’ambition avec le secteur de l’IAE », en atteignant « une croissance annuelle de 20 % du nombre de salariés jusqu’à la fin du quinquennat ».
Consolider la formation et le financement
Dans la foulée, le Conseil de l'inclusion dans l'emploi (CIE) a été chargé de préparer, avec les acteurs de l'IAE, ce « pacte d'ambition ». Remis à Muriel Pénicaud le 10 septembre par son président Thibaut Guilluy (lire son interview ci-dessous), lors d'un déplacement de cette dernière et du chef de l'État au sein d'un chantier d'insertion, ce rapport devrait prochainement se traduire par une réforme pilotée par le ministère du Travail.
Les contributeurs à cette consultation (Coorace, Fédération des acteurs de la solidarité, Emmaüs France, Cocagne, Restos du cœur, Chantier école…) ont insisté, notamment, sur l'importance de renforcer la partie formation du contrat d'insertion et de consolider le modèle financier des structures d'insertion, certaines ayant pâti du désengagement des conseils départementaux. La balle est donc aujourd'hui dans le camp du ministère du Travail.
La ministre a d'ores et déjà assuré que, dans un souci de simplification, l'agrément délivré par Pôle emploi pour adresser une personne vers les structures d'insertion allait être supprimé.
Dynamisme et innovation
Un an après le rapport Borello, en janvier 2019, la Cour des comptes avait à son tour mis en avant l'IAE, dans un rapport à la fois élogieux et appelant à renforcer le dispositif. « Au terme de ses travaux, la Cour porte une appréciation plutôt positive sur l’insertion par l’activité économique, comparativement à d’autres dispositifs de la politique de l’emploi », peut-on ainsi y lire.
Tout comme les acteurs du secteur, la Cour estime que « le secteur a besoin de visibilité sur les financements publics à venir, de professionnalisation de ses salariés permanents et de meilleurs relais vers l’économie traditionnelle ».
Elle insiste sur le dynamisme de l'IAE, qui rayonne au-delà de l'insertion : « Si ces structures sont des acteurs de la cohésion sociale et de la lutte contre l’exclusion et le chômage, elles contribuent également au développement des territoires : elles créent de l’emploi local et participent au maintien d’activités économiques dans des territoires parfois délaissés par les entreprises traditionnelles ».
Des activités très diversifiées
En effet, l'IAE est, aujourd'hui plus que jamais, très loin de la caricature du modeste chantier d'insertion chargé d'entretenir les espaces verts d'une petite commune rurale. En plus d'une progression, ces dernières années, des effectifs, le secteur a beaucoup diversifié ses activités : services à la personne, activités agricoles, construction, transport logistique, restauration, nouvelles technologies…
Des structures développent des activités pouvant accueillir des salariés des deux sexes ou, sur dérogation, tout particulièrement des femmes, comme le chantier d'insertion Rejoué (Paris), spécialisé dans la restauration et la vente de jouets.
Du « travail à l'heure »
Autre satisfecit : le profil avant embauche des salariés correspond bien aux objectifs du dispositif, avec environ 50 % de personnes relevant des minima sociaux, 7 % de travailleurs en situation de handicap, une part importante de chômeurs de longue durée et des niveaux de formation bas, dont 37 % inférieurs au CAP (source Dares).