À Bordeaux, en Gironde, l’association La Petite Sœur décloisonne des univers et des espaces pour créer la rencontre entre le milieu dit "ordinaire" et les publics dits "vulnérables". Elle conçoit pour cela des projets mêlant culture, architecture, chantiers collaboratifs. Ses actions portent aussi sur le logement et l’insertion des jeunes.
C’est un soir pluvieux de décembre. Au dernier étage de Barbey Village, dans l’auberge de jeunesse de Bordeaux investie par l’association La Petite Sœur, qui y a créé neuf logements, Sam Hanley, éducateur spécialisé, croise quelques jeunes regagnant leur studio. Dans l’espace commun, les discussions sont informelles. Ça toque aux portes pour savoir si untel est rentré et va dîner, en bas dans le réfectoire de l’auberge, ou dans la cuisine de cette colocation pas comme les autres.
Un lieu hybride
Ce soir, Sam reste plus tard dans l’idée de croiser certains locataires qu’il voit peu, pour savoir comment ils vont et s’ils ont besoin d’aide sur des questions relatives au logement, à l’emploi, à l’administratif… Dans ce lieu hybride se côtoient des jeunes d’horizons différents, certains sortants d’établissements médico-sociaux, d’autres travaillant comme saisonniers ou suivant des études.
« Ici, on voit ce que l’autre est aujourd’hui, sans étiquette. Des jeunes très différents réussissent à vivre ensemble, et l’équipe a insufflé un côté familial. La Petite Sœur apporte une véritable innovation, en cassant les murs », résume Lisa (*), étudiante en 3e année d’éducatrice spécialisée, qui vit à Barbey Village depuis mai 2024.
Penser l’inclusion autrement
Parvenir à casser les murs, c’est la force de cette association co-fondée par Sabra Ben Ali, psychologue, doctorante au LIRCES (1), un collectif de citoyens engagés et l’association Oreag (orientation et rééducation des enfants et des adolescents de la Gironde). La Petite Sœur, née en avril 2021, à l’issue d'une démarche de recherche-action menée via une Cifre (convention industrielle de formation par la recherche), veut réaffirmer la dimension inclusive de la société en créant des ponts entre le milieu ordinaire et les établissements spécialisés, pour une plus grande connaissance – et reconnaissance – des jeunes accompagnés par le secteur médico-social.
Elle emploie pour cela 9 salariés aujourd'hui, qui fabriquent des projets collectifs permettant de provoquer la rencontre entre des publics qui ne se connaissent pas, au sein des établissements ou en dehors. Le but : semer en chacun l’envie de faire commun, le souci de l’autre, et un regard ouvert sur la différence. Barbey Village est la dernière réalisation en date de l’association – un lieu pérenne inauguré en 2024, après des expérimentations éphémères au sein d’établissements médico-sociaux.
Une « Rêverie »
En 2021, la Petite Sœur propose ainsi une première « Rêverie » à l’Oreag, c’est-à-dire une expérimentation, pour investir un espace vacant de 400 m2 au sein de leur dispositif institut thérapeutique éducatif et pédagogique (Ditep) Pôle Bordeaux Centre.