Les acteurs du secteur protégé et adapté s'inquiètent des conséquences économiques du confinement sur l'équilibre financier des structures. Réclamant des compensations, ils espèrent reprendre leurs activités rapidement.
Les établissements et services d'aide par le travail (Esat) vont-ils pouvoir rouvrir leurs portes avant le 11 mai ? C'est ce qu'espère Didier Rambeaux, président de l'association nationale de directeurs Andicat, qui assurait, le 24 avril, que le secrétariat d’État en charge des personnes handicapées s’apprêtait « à assouplir les possibilités de reprise progressive d’activités, avant la date prévue de déconfinement, dans les Esat ».
Interrogé par Le Media social, il assure qu'une fiche détaillant les conditions de cette reprise des activités devrait paraître dans les jours qui viennent. Information néanmoins non confirmée par le cabinet de Sophie Cluzel, qui avance que « les arbitrages sont encore en cours ». Il faut dire qu'entre-temps, le Premier ministre, s'est montré prudent sur les modalités du déconfinement le 28 avril à l'Assemblée nationale, appelant en particulier les personnes fragiles « à la patience ».
Absence de chiffre d’affaires
Pourtant, les fédérations du secteur plaident pour cette réouverture précoce, anticipant les impacts économiques de la crise. « Depuis le début du confinement, les Esat ne font plus aucun chiffre d’affaires. Or la trésorerie de nombreuses associations repose sur l'activité de ces établissements », explique Didier Rambeaux. Si certains Esat dont l'activité jugée essentielle ont poursuivi leur production (blanchisserie pour un Ehpad par exemple), la plupart sont à l'arrêt et les travailleurs handicapés confinés chez eux. En témoigne, l'enquête flash réalisée auprès de 621 structures du réseau Andicat qui montrait notamment que le taux d’emploi des travailleurs d’Esat encore en activité n'était que de 9 %.
Trésorerie en berne
Si la situation est différente du côté des entreprises adaptées (EA), elle est toute aussi préoccupante. D'après une enquête de l'Union nationale des entreprises adaptées (Unea), réalisée début avril auprès de 316 EA, seulement 13 % d'entre elles sont fermées, 77 % ont conservé une activité partielle et 10 % poursuivent une activité normale. En moyenne, elles accusaient à cette date une baisse du chiffre d’affaires de 37 % par rapport au mois précédant la crise, et pour la moitié d'entre elles, disposent d'un niveau de trésorerie « qui ne leur permettra pas de couvrir plus de deux mois de confinement », alerte l'Unea.
Plan de soutien
Face à « cette crise sans précédent », l'Union a remis ses propositions d'un plan de soutien aux EA au ministère du Travail, au Haut-commissariat à l’inclusion, au secrétariat d’État aux personnes handicapées et à la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). Objectif de cette initiative dont les Esat espèrent aussi bénéficier ? Obtenir une compensation des surcoûts de fonctionnement en période de confinement mais aussi une compensation partielle des pertes d'exploitation et un « soutien majeur à l'investissement des EA ».
Avenir incertain
Car les acteurs s'attendent à des difficultés durables. « Nous avons beaucoup d'interrogations sur la vitesse à laquelle nos clients, les grandes sociétés qui sous-traitent certaines de leurs activités, vont revenir vers nous car la plupart vont également être fragilisés par la crise sanitaire », prévient Serge Widawski, directeur général d'APF Entreprises. Même inquiétude pour Didier Rambeaux qui prévoit déjà des années 2020 et 2021 « très compliquées, avec des pertes de clientèle et donc des pertes financières ».
Retour des travailleurs ?
Reste une autre grande inconnue pour ces structures : les salariés reviendront-ils travailler ? « Ils sont très angoissés par cette reprise », prévient Serge Widawski. Principale inquiétude ? Le risque de contamination. Pourtant « nous mettons tout en œuvre pour la sécurité sanitaire en prévoyant des équipements de protection (masques...) et en organisant le travail en équipes restreintes », rassure Serge Widawski. « Une personne qui entre en Esat est mieux protégée qu'à l'extérieur », confirme Didier Rambeaux qui précise que les gestes barrières sont appliquées depuis le début du confinement pour les Esat qui ont continué à fonctionner.
Volontariat
Quoi qu'il en soit, la reprise du travail se fera sur la base du volontariat, et « les médecins du travail seront sollicités pour évaluer si les travailleurs sont en capacité de revenir », indique Didier Rambeaux. Pas sûr que le dernier avis du conseil scientifique encourage les travailleurs handicapés à reprendre leur poste. Rendu public le 25 avril, le document plaide pour que les personnes porteuses d’affections de longue durée et les personnes handicapées vivant dans des structures d’hébergement collectif, « exposées à un risque individuel très élevé de développer des formes graves » respectent « un confinement strict et volontaire, qui les protège de risques de contamination » après le 11 mai.