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Le sport à visée sociale : une pratique en voie de structuration

Longs FormatsAlexandra LUTHEREAU21 novembre 2024
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L'utilisation du sport comme levier d'insertion et d'inclusion sociale n'est pas une nouveauté. Initialement, il s’adressait surtout aux jeunes des quartiers dits sensibles. Depuis plusieurs années, des associations développent une expertise spécifique pour l’accompagnement de différents publics vulnérables. Et ce, main dans la main avec les travailleurs sociaux.

« Le sport est un outil de la médiation éducative. C’est un support fort, au cœur de notre pratique quotidienne », lance d’emblée Stéphane Lestrade, éducateur spécialisé au Ditep (dispositif intégré des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques - Itep) des Cazelles à Figeac dans le Lot. 

En plus d’activités « maison », la structure travaille avec l’association socio-sportive Rebonds, pour des cycles de pratique et des séjours autour du rugby. « Les projets sportifs ont très vite trouvé de l’écho auprès des jeunes et des collègues », continue-t-il. 

Stéphane Lestrade, éducateur spécialisé au Ditep des Cazelles à Figeac DR
Manon Descargues, éducatrice spécialisée au Ditep des Cazelles, à Figeac. DR

Pour l’équipe éducative, il s’agit de travailler le collectif, notamment en extérieur et de nouer un relationnel différent avec les jeunes. « Ça amène de supers résultats auprès des jeunes en termes de comportements et de partage », résume Manon Descargues, éducatrice spécialisée elle aussi.

Bon pour le vivre-ensemble 

Pouvoir d’attraction du sport sur les jeunes, vecteur de partage, de médiation, de développement de soft skills (ou savoir-être) … En quelques mots, voici résumés les bénéfices du sport dans le secteur social. C’est pourquoi tant d’autres structures, des Itep, mais aussi la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada), des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), des centres sociaux, etc., utilisent le sport - à travers des treks, des sessions de pratiques ou des tournois.

De fait, « Le sport est bon pour la santé, le vivre-ensemble, la citoyenneté, l’accès à l’emploi… », énumère Sanoussi Diarra, cofondateur et délégué au développement de Rebonds.

« Pas de pouvoir magique »

Sanoussi Diarra, cofondateur et délégué au développement de Rebonds. Rebonds

Mais « il n’a pas de pouvoir magique », prévient-il d’emblée. « La pratique sportive n’a pas plus de valeurs ou de bienfaits sociaux que d’autres activités. D’autant plus que le sport peut également être violent, compétitif, excluant ou donner lieu à de la triche, rappelle l’ancien rugbyman professionnel. Deux heures de rugby par semaine avec des réfugiés, ça ne vaut pas rien, mais ce n’est pas suffisant. Il faut distinguer le socio-sport de l’activité physique et sportive. Le "socio-sport" procède d’une ingénierie sociale pour obtenir des résultats ».

Autrement dit, « l’impact d’une action va dépendre de qui la met en place, comment, de la pédagogie et des compétences des acteurs », abonde Aymane Dahane, sociologue du sport au laboratoire Sport & sciences sociales à l’Université de Strasbourg.

Une fonction pacificatrice

L’utilisation du sport dans le champ social a démarré au début des années 80, au lendemain des incidents qui ont embrasé le quartier populaire des Minguettes à Vénissieux, près de Lyon. Des équipements sportifs de proximité sont alors installés et des professionnels sont formés à l’éducation socio-sportive. « La politique de la ville avec la notion de jeunesse et sports émerge, dans laquelle le sport est valorisé pour sa fonction pacificatrice », explique le sociologue. À l’époque, il est perçu comme un remède en soi.

Depuis, cette vision a évolué, à la faveur de travaux de recherche en sociologie et de l’émergence, à partir des années 2000, d’associations de pratique sportive à visée sociale. Celles-ci ciblent un public vulnérable plus large (personnes en situation de handicap, femmes victimes de violences, mineurs non accompagnés, personnes en situation de précarité sociale, etc.). Et leurs actions sont construites en fonction d’objectifs précis.

Éducation par le sport

Par exemple, l'association Apels (Agence pour l’éducation par le sport) se concentre sur l’insertion professionnelle des jeunes des quartiers de la politique de la ville (QPV), avec son projet Déclics et le métier de coach d’insertion professionnelle, qui va faire le lien avec les entreprises. 

L’association Kabubu travaille quant à elle auprès de personnes réfugiées. Breizh insertion intervient dans des Cada, auprès de mineurs non accompagnés et de la PJJ, ou au sein de CHRS.