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Majeurs protégés : des chiffres en trompe-l’œil ?

Longs FormatsSophie LE GALL12 mai 2022
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Après deux années de crise sanitaire, le secteur de la protection des majeurs, fortement impacté, s’emploie à retomber sur ses pieds… qu'il avait déjà fragiles. Au-delà des difficultés de recrutement ou encore du manque de reconnaissance, les professionnels déplorent un flou persistant sur des chiffres pourtant essentiels.

« Et tout d’un coup, tout s’est arrêté ». Les témoignages des acteurs de la protection des majeurs se ressemblent quand il s’agit d’évoquer les premières heures de la crise Covid.

« Du jour au lendemain, et pendant plusieurs semaines, plus personne au bout du fil dans les tribunaux ou dans certains services sociaux, notamment au conseil départemental. Le grand vide. À cela s’est ajoutée une réduction des lits en psychiatrie, le secteur hospitalier étant monopolisé par la crise sanitaire, alors que des personnes fragiles auraient eu besoin d’être prises en charge », retrace Franck Priet, directeur de l’AT 92, association tutélaire des Hauts-de-Seine, partenaire de l’Unapei 92.

Un équilibre fragilisé

Si l’ensemble de la population française a vécu un choc, avec une forte obligation d’adaptabilité, la situation a été particulièrement compliquée pour le public protégé, constitué pour beaucoup de personnes atteintes de troubles psychiques, et dont le fragile équilibre repose sur des habitudes.

Ange Finistrosa, président de la Fnat et directeur d’un service de mandataire judiciaire basé à Nîmes. DR

Écueil le plus édifiant : le règlement en espèces rendu impossible, entre des guichets bancaires fermés sans préavis et des commerçants qui les refusaient. Or, nombre des personnes sous tutelle règlent leurs achats en liquide, ne disposant pas toutes de carte bancaire. Les restrictions de circulation, aux règles changeantes et pas toujours compréhensibles, leur ont été très dommageables également.

« Un monsieur que nous accompagnons a cumulé 23 procès-verbaux… », déplore Ange Finistrosa, président de la Fédération nationale des associations tutélaires (Fnat) et directeur d’un service de mandataire judiciaire à la protection des majeurs basé à Nîmes.

Pour limiter les déconvenues, son service a mis au point une attestation de déplacement avec au verso, son contact en cas d’urgence.

Des retards de prise en charge

Les difficultés des tribunaux à poursuivre leur activité en télétravail, du fait du sous-équipement informatique des personnels, ont par ailleurs pesé sur le suivi des personnes vulnérables.

« Cette activité réduite s’est concentrée sur les renouvellements des mesures de placement sous protection (1), laissant de côté l’ouverture de nouvelles mesures. Ce retard dans la prise en charge de personnes fragiles a duré au moins jusqu’à la fin du second confinement et a forcément masqué des situations », alerte Ange Finistrosa.

Des mesures de sauvegarde

Heureusement, certains tribunaux sont parvenus à rester plus réactifs que d’autres. Lætitia Fontecave, directrice générale de France Tutelle (association de soutien aux aidants tuteurs familiaux), relève ainsi que des juridictions ont prononcé des mesures de sauvegarde de justice, procédures nécessitant moins d’instruction, « afin de se donner du temps tout en assurant une forme de protection ».

Pas encore de retour à la normale

Franck Priet, directeur de l’AT 92, association tutélaire des Hauts-de-Seine. DR