Une semaine après la manifestation de la CFDT, la CGT a remis le couvert devant le ministère de la Santé. Objectif des manifestants de la région parisienne : dénoncer les injustices que subit le médico-social sur le plan de la revalorisation des salaires. Témoignages vidéos de salariés.
Ce n'était pas la foule des grands jours à quelques encablures du ministère de la Santé et de la Solidarité. La mobilisation initiée ce 21 janvier par la CGT et soutenue par Sud n'a pas rassemblé, aux alentours de midi, plus de 200 à 300 personnes venues de la région parisienne. Une semaine plus tôt, la CFDT dans une manifestation davantage nationale avait mobilisé environ un millier de salariés.
Exaspération des salariés
Par-delà les différences de sensibilité syndicale, cette succession de mobilisations indique une chose : l'exaspération des salariés du médico-social est à son comble avec ce sentiment d'injustice par rapport à une revalorisation salariale à la carte. Ce mécontentement est particulièrement problématique car il se manifeste à un moment où justement l'engagement des salariés est requis face à une pandémie qui se déploie depuis maintenant près d'un an.
Promesse non tenue
Depuis plusieurs semaines, la CGT avertit le pouvoir sur le fait que la patience des salariés a des limites. « Les bonnes intentions et la promesse en début de pandémie faite par le président que "le monde d’avant ne sera pas le monde d’après" n’est pas tenue », écrit sa fédération Santé action sociale dans un tract. Ce sentiment d'injustice se retrouve dans tous les témoignages que nous avons recueillis. La CGT l'exprime à sa façon : « Dans notre champ, l’injuste traitement fait au personnel des établissements du médico-social et social, les "exlcu.e.s du Ségur de la Santé", suscite la colère et l’indignation des personnels qui se mobilisent pour le bénéfice des 183 euros, tout en revendiquant les 300 euros, au même titre que leurs collègues du sanitaire et des Ehpad. » Le syndicat demande l'ouverture de négociations pour en finir avec cette injustice.
« Qui s'occupera des enfants ? »
Zoé travaille depuis 15 ans dans un institut médico-éducatif (IME) à Asnières (Hauts-de-Seine) qui est en grève ce 21 janvier. Elle est indignée par la situation actuelle. « La revalorisation salariale crée des inégalités », affirme-t-elle, en expliquant que l'association pour laquelle elle travaille compte trois établissements, dont un dans le champ sanitaire. Les uns bénéficient de la revalorisation issue du Ségur de la santé alors que les autres en sont exclus. « Les éducateurs vont sans doute choisir à l'avenir d'aller travailler dans le sanitaire. Qui s'occupera des enfants en difficulté ? », s'interroge cette non-syndiquée.
Grande fatigue
Dans les Ehpad, l'injustice autour du Ségur de la santé n'est pas ressentie - puisque des augmentations sont prévues -, mais d'autres enjeux sont soulevés comme le manque de personnel formé, la surcharge de travail et « l'enfermement » des résidents. Diogo, animateur dans un Ehpad du Val-de-Marne (voir la vidéo ci-dessus) résume bien la difficulté dans laquelle il se trouvait. « Les animations ont été supprimées. Les résidents ne se voyaient plus entre eux. Nous faisions juste des visites de 15 minutes dans chaque chambre. » Et pendant cette période, la vie se résumait pour lui au cycle « métro-boulot-dodo ». Sa collègue Prescillia, aide-soignante, insiste sur la lourdeur des protocoles à mettre en œuvre. Une grande fatigue se dégage, et ce malgré l'amour du métier.
Sentiment de ne pas compter
Quelques pancartes traduisent bien le malaise : « Ségur m'a tuer » , « Jeune diplômée et déjà déprimée », etc. Les prises de parole se succèdent pour mobiliser un public déjà bien conscientisé. Ghislaine et Sylvie sont venues avec une dizaine d'autres collègues en provenance du pôle gérontologique de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) qui comprend un Ehpad public hospitalier, un Ssiad et un Espace social Alzheimer (Esa). Toutes deux travaillent pour le Ssiad et racontent un quotidien de plus en plus difficile (voir vidéo ci-dessous). Par-delà les revendications salariales insatisfaites, se dégage le sentiment plus général de ne pas être écoutés par « là-haut », de ne pas compter. « Eux ont la science infuse, estime Sylvie. Et nous sommes là juste pour exécute r. »
« On se réchauffe le cœur »
À la tribune, on réclame « une vraie revalorisation » allant au-delà des 183 euros. Le domicile qui a eu bien du mal à toucher la prime Covid voudrait tout simplement ne pas être oublié une fois encore. « C'est du foutage de gueule », s'énerve une manifestante. Pour se donner du courage, certains se mettent un peu à danser sur des airs entraînants. « On se réchauffe le cœur », lance une professionnelle au micro.