D'ici 2023, les services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad), les services de soins infirmiers (Ssiad) et les services polyvalents d'aide et de soins (Spasad) fusionneront au sein de "services autonomie à domicile". Dans cette tribune libre*, Dafna Mouchenik, directrice d'un Saad parisien, nous en livre son scénario idéal.
Dans le cadre de la LFSS 2022, la nouvelle appellation « service autonomie à domicile » a été lâchée. J’aime assez, et même si je comprends qu’en réalité c’est ainsi qu’ont été rebaptisés les services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad), pas question de m’en contenter !
Deux tutelles, deux financements
Aujourd’hui l’aide et le soin, indispensable combinaison pour soutenir mieux et bien, c’est comme le sucre et le sel : deux tutelles, deux financements non fongibles, deux équipes qui au mieux cohabitent dans un même service. Il en résulte une multitude de professionnels différents se succédant au domicile des plus fragiles juste parce que l’un est financé par l’assurance maladie et l’autre par le département. Même les équipes les plus impliquées, les plus motivés, sont en difficulté avec de telles règles.
Pour que les personnes que nous soutenons puissent bénéficier de la prise en charge de leur toilette et du change via l’assurance maladie, ces prestations doivent être prescrites par un médecin (jusque-là tout va bien), et réalisées par une infirmière ou une aide-soignante et ce même si l’aide à domicile peut les assurer sans difficulté. En clair, soit il y a de la place dans un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) ou une infirmière libérale accepte d’assurer changes et toilettes (deux conditions bien incertaines), et l’assurance maladie prend en charge, soit c’est l’aide à domicile qui les réalise mais là pas de financement sécu possible.
Du coup, ou c’est plein de professionnels différents aux domiciles des vieilles dames et vieux messieurs, ou c'est juste un Saad. Il leur faut alors mettre la main à la poche, les plans d’aide APA n’y suffisant pas. Bref, on peut facilement faire mieux que ça, il suffit juste de modifier deux/trois choses, pour faire de nous tous des services autonomie…
Reconnaissons la coordination déjà assurée par nos Saad
Cessons de multiplier inutilement les professionnels seulement pour des raisons de financement. Si nous en étions dotés, une infirmière coordonnerait le soin dans chacune de nos équipes. Elle pourrait ainsi confier toilettes et changes au professionnel adéquat à chaque situation. Lorsque pas de plaies, d’escarres ou autres contre-indications, l’aide à domicile les effectuerait (comme aujourd’hui en réalité). Ainsi réalisés, son service pourrait les compter à l’assurance maladie (celle-ci admettant enfin que les auxiliaires de vie sont bien les premiers professionnels d’aide et de soin de proximité).
Reconnaissons la coordination déjà assurée par nos services ! Les responsables de secteur, véritables travailleurs sociaux du vieillir chez soi, sont les fantastiques coordinateurs du domicile. Ils ont une vision globale de ce que vivent les personnes habitant encore chez elles. Ils assurent ouverture des droits, aident administrativement ceux qui ne s’en sortent pas.
En plus de la venue de l’aide à domicile, ils organisent ce qu’il y a d’indispensable et d’adapté à chaque situation. Ils informent, ils alertent. Ils sont en lien avec familles, tuteurs et tous les autres professionnels intervenant comme nous dans les logis. Ils conseillent et soutiennent l’auxiliaire de vie (et inversement). Tout cela sans financement et sans temps suffisant alors imaginez de quoi nous serions capables si on nous en donnait enfin les moyens.
Faisons intervenir nutritionnistes, ergothérapeutes, psychomotriciennes
Ajoutons une corde à notre arc, assurons réellement de véritables actions de prévention en nous dotant des professionnels indispensables : nutritionnistes, ergothérapeutes, orthophonistes, psychomotriciennes. Ainsi service autonomie rimerait avec prévention et anticipation.
Loin de disparaître les Spasad bénéficieraient des mêmes avancées que nos services ainsi transformés. Infirmières et aides-soignantes des Ssiad disposeraient enfin du temps qu’elles n’ont pas aujourd’hui pour intervenir après des personnes relevant vraiment de situations médicales. Plus de liste d’attente interminable, plus de temps de professionnels de santé perdu inutilement.
Finalement pas de grande révolution, juste des moyens et du bon sens pour soutenir la population et ainsi donner légitimité et reconnaissance aux aides à domicile et à leurs services. C’est vrai que cela représenterait quelques financements publics de plus. Pas tant que ça à bien y réfléchir, beaucoup existant déjà. Et puis les économies qu’une telle réforme engendrerait suffiraient à en financer le coût.
Voilà ce qu’il en est de mon service autonomie rêvé. Pour le reste, j’ai bien encore quelques idées mais si la loi grand âge, que nous attendons tous depuis des décennies, intégrait ce que je souligne ici, nous aurions déjà bien avancé. Et comme j’ai pris pour habitude de prendre mes rêves pour de possibles réalités, qui sait…
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