Pour le deuxième webinaire proposé par l'IRTS Ile-de-France et Le Media social, la question de l'organisation du travail avec l'outil numérique était au centre des interrogations. Le numérique constitue un apport important dans le travail social, mais qui doit être interrogé en permanence.
« Qu’avons-nous appris en termes de coopération, de communication interne, de management ? ». Tel était le thème du deuxième webinaire proposé par l'IRTS Ile-de-France Montrouge Neuilly-sur-Marne et Le Media social qui se sont associés pour proposer une série de quatre rendez-vous sur ce thème du numérique (1). Animé par Francis Letellier (consultant et formateur, ancien directeur d'IRTS) et Olivier Bonnin (Le Media social), ce webinaire de 90 minutes a donné lieu à de très nombreuses remarques et questions des participants.
Croiser quatre cultures
« L'être humain n'est pas aussi simple qu'une route ». Ancien ingénieur dans les ponts et chaussées, Jean-Luc Cousineau est devenu directeur général de l'association Cordia qui accueille des personnes précaires atteintes d'ALD pour les soigner et les accompagner. Pour lui, l'une des clés du succès de l'attention portée aux personnes tient dans la capacité de la structure à faire se croiser les quatre cultures professionnelles : médecins, psychologues, éducateurs et assistants sociaux.
Besoins et moyens
Voilà pourquoi, en concertation avec les différents métiers, a été mis en place un outil numérique permettant de croiser les informations. « Nous souhaitons repérer les besoins des personnes et identifier les moyens permettant de résoudre les problèmes. C'est un aller et retour permanent entre ces deux dimensions », explique le directeur général. L'accord et la participation des intéressés sont à chaque fois sollicités. D'ailleurs, seuls 40 % des personnes accueillies acceptent d'être accompagnées avec cet outil.
Deux ans pour progresser
Au début, Jean-Luc Cousineau a dû affronter de très nombreuses réticences de son équipe. « Certains résidents ont été davantage moteurs que les travailleurs sociaux », explique-t-il. Et d'ajouter : « Il a fallu deux ans pour permettre à l'équipe de changer ses pratiques. » Contrairement aux craintes de certains pour lesquels les ordinateurs risquent de remplacer l'humain, il estime que les algorithmes peuvent aider la prise de décision. « Le numérique dans l'accompagnement, c'est du militantisme », conclut-il.
Trois avantages...
Frédéric Ronsin regarde autrement la question. Sa double casquette d'éducateur spécialisé dans un Caarud (réduction des risques en toxicomanie) et d'étudiant en Master Moss (management des organisations sanitaires et sociales) le fait s'interroger sur la problématique : « Comment on met au cœur du projet associatif un système d'information ? ». Selon lui, cela peut présenter trois avantages : la prise en charge des personnes dans une démarche de parcours ; la possibilité de penser une organisation en lien avec son territoire dans une optique de décloisonnement ; la création d'espaces de dialogue entre acteurs.
... et trois freins
Son exploration des systèmes d'information en travail social lui a permis de repérer également trois grands types de freins. « Le premier est d'ordre organisationnel : il y a tellement de structures qu'il est difficile de piloter cette mise en œuvre. Le second concerne la peur du contrôle social. Le dernier est d'ordre culturel : il existerait une dichotomie entre la relation d'accompagnement et le numérique. »
L'importance du dialogue
Adoptant une posture critique, Vincent Mandinaud, chargé de mission à l'Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), estime que pour intégrer les cultures professionnelles dans la démarche numérique, il est nécessaire de combiner trois types de dialogue. Il faut faire vivre le dialogue social, ce qui n'est pas toujours le cas actuellement. Il importe qu'un dialogue professionnel s'instaure entre les gens de métier. Enfin, il ne faut pas négliger le dialogue technologique avec les fournisseurs.
À quoi servent les technologies ?
Le chargé de mission de l'Anact que nous avons interrogé récemment insiste sur un point important : « Les technologies ne sont pas neutres. Il faut les interroger pour savoir à qui et à quoi elles servent. Si le projet vise une plus grande productivité, il peut être pervers.» La transformation numérique doit donc être l'occasion de « développer les pratiques réflexives pour discuter les outils. »
Jean-Luc Cousineau ne dit pas autre chose et établit un lien entre la progression du numérique et la démarche collaborative. Le DG de Cordia insiste sur la dimension éthique, thème qui sera au centre du 3e webinaire le 15 décembre prochain...
(1) Le premier portait sur la relation d'accompagnement socio-éducatif.