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Pédopsychiatrie en crise : un lourd impact

Longs FormatsLaetitia DARMON01 mai 2019
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Listes d’attentes à n’en plus finir en centres médico-psychologiques (CMP), manque de pédopsychiatres… Les enfants en protection de l’enfance pâtissent autant – sinon plus – que les autres de la crise en pédopsychiatrie. La ministre Agnès Buzyn a fait des annonces, mais c’est tout un système de prévention et de soin qu’il faut remettre à flot.

« Sur les douze enfants du groupe dont je m’occupe, seuls trois ont un suivi psychologique. Il en faudrait au minimum pour quatre autres enfants. Les professionnels des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) en reconnaissent la nécessité, mais ils nous disent qu’ils n’ont pas de place », se désespère Corinne, éducatrice spécialisée dans une maison d’enfants à caractère social (Mecs) aux environs de Lyon.

Le libéral trop coûteux

L’an passé, un CMPP tout proche a fermé, interrompant le suivi d’un des jeunes de son groupe. Un autre enfant est arrivé récemment, avec une prise en charge déjà établie dans une structure située à quarante minutes de voiture. « C’est beaucoup de temps pour un éducateur, et on n’a quasiment plus de financements pour des taxis », regrette l’éducatrice.

Quant à l’alternative du libéral, elle suppose de trouver des praticiens et pose un problème de coût.Les difficultés d’accès aux soins psychologiques sont donc énormes, sans parler des soins psychiatriques, dans un contexte d’explosion de la demande sans hausse des budgets associés, de pénurie de professionnels et de départs massifs à la retraite.

Vers le pire

Corinne a le sentiment qu’il faut vraiment des situations extrêmes pour obtenir une prise en charge psychologique – « et souvent quand ça aboutit, beaucoup de mal a déjà été fait ».

C’est encore pire en pédopsychiatrie. « J’ai beaucoup alerté sur la situation d’une jeune qui allait très mal sans pouvoir lui trouver de pédopsychiatre. Elle a fini par décompenser, et j’ai dû l’amener aux urgences. Elle se scarifiait devant le médecin, qui me disait, visiblement aussi dépité que moi, qu’il ne pouvait pas la garder faute de lit. Ils ont fini par lui en trouver un au milieu de personnes âgées », se souvient Corinne. 

Hospitalisation dans des contextes inadaptés, renvoi au bout de 24 ou 48 heures après une tentative de suicide, la pédopsychiatrie est en crise. Valérie Vrel

Un témoignage qui en rejoint bien d’autres, décrits ces dernières années dans de nombreux rapports et articles. Hospitalisation dans des contextes inadaptés, renvoi au bout de 24 ou 48 heures après une tentative de suicide, parfois sans proposition d’accès à un suivi pédopsychiatrique en ville, ou alors dans des structures trop éloignées…

Cet ensemble d’obstacles à l’accès aux soins accroît le mal-être d’enfants aux histoires de vie déjà si douloureuses. Avec, pour conséquence, du repli ou au contraire des troubles du comportement et de la violence. « Cela laisse les professionnels très démunis – ils ne sont pas armés sur la question du soin psychique », constate Laure Sourmais, responsable du pôle protection de l’enfance à la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape).                            

Les professionnels ne sont pas armés sur la question du soin psychique

Laure Sourmais, Cnape 

« On a la sensation de faire la moitié du travail nécessaire auprès des enfants. On intervient sur leur quotidien, c’est bien, mais comment agir face à cette souffrance qui prend toute la place ?, retraduit Claire Jouvin, éducatrice de jeunes enfants, qui exerçait jusqu’à récemment dans une Mecs. La direction nous disait qu’on n’avait malheureusement pas d’alternative, on l’entendait, mais ça ne faisait rien avancer. »

Pour apaiser les jeunes, reste pour les professionnels à user du dialogue et de l’expérience accumulée au fil des années. « Nous avons la chance dans ma structure de nous faire épauler par une psychologue en analyse de la pratique, qui vient toutes les trois semaines, rapporte Corinne. Mais nous
restons des éducateurs, pas des psychologues. »

Passerelles… bancales

Laure Sourmais, Cnape Philippe Gueguen

Des postes de psychologues existent certes en protection de l’enfance, mais rarement à temps plein, et ces professionnels sont souvent recrutés en position plus institutionnelle que clinique, c’est-à-dire en soutien aux équipes, avec une fonction d’évaluation et d’orientation des enfants vers les structures de soin. « Certaines associations ont essayé de recruter des pédopsychiatres à temps partiel, mais c’est très compliqué car la convention de 1966 n’est pas intéressante pour eux », indique Laure Sourmais.