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Tribune libre22 décembre 2022
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Pourquoi priver une partie des auxiliaires de vie du bénéfice des revalorisations salariales ?

Alors que les auxiliaires de vie de la branche associative ont pu bénéficier d'une revalorisation salariale, grâce à l'avenant 43, les intervenantes à domicile relevant du secteur commercial en sont exclues, faute de soutien des pouvoirs publics, regrette Dafna Mouchenik, directrice de la structure d'aide à domicile LogiVitae, dans cette tribune libre*.

La revalorisation des salaires des auxiliaires de vie se poursuit, chantier que nous devons à Brigitte Bourguignon, alors ministre déléguée à l'Autonomie des personnes âgées, qui a toujours eu à cœur de se battre pour les professionnelles [1] du secteur et les personnes soutenues à domicile (oui oui n’en déplaise à ceux qui sont fâchés).

Ainsi, à l’occasion de la LFSS 2021, avec une enveloppe supplémentaire en 2022, 240 millions d’euros ont été votés pour enfin mieux rémunérer les auxiliaires de vie. Pas le grand soir, juste un rattrapage tant les salaires étaient bas.

Le souci, c’est que le levier choisi pour y remédier passe par la convention collective du secteur associatif – appelée la BAD (branche de l'aide à domicile), convention opposable à l’État (qui n’avait pas bougé d’un centime depuis mille ans) – et le bon vouloir des départements (quand on a dit ça, on comprend que ça va être l’enfer, même lorsqu’on est une association !).

Deux poids, deux mesures

Aussi, lorsqu’il est annoncé que ça y est, enfin, l’État s’est penché sur le sort des professionnelles du domicile, ce n’est que partiellement vrai, 160 000 auxiliaires de vie travaillant avec autant de cœur et d’implication que leurs collègues continuent à travailler sans aucune revalorisation salariale et des centaines de services associatifs pourraient bien ne pas y survivre du fait des départements.

Cette situation s’explique par l’histoire même de notre secteur. Un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, que je n’ai pas le temps de vous raconter ici, sans quoi je vous perdrai tous, mais que je promets d’écrire un jour.

Pourtant, lorsque je m’émeus de l’exclusion de ces aides à domicile, on me rétorque « l’argent public n’a pas vocation à financer le privé commercial ».

Deux poids, deux mesures, vous en conviendrez, l’ensemble des professionnels travaillant en Ehpad ayant tous été éligibles au Ségur de la santé (même ceux qui n’avaient rien à voir avec le « prendre soin ») et ce, quel que soit le statut de leur établissement. Alors pourquoi prendre un autre chemin pour le domicile ?

Services habilités à l'aide sociale

D’autres m’expliquent encore que les départements ne sont engagés qu’auprès des services habilités à l’aide sociale, les services historiques en somme, très peu d’entre nous au final (et là, ça y est, j’ai perdu tout le monde, trop technique). 

C’est vrai, c’est ce que prévoit la loi. Oui, mais toutes les autres associations obligées elles aussi d’appliquer l’avenant 43 de la BAD, elles s’en sortent comment sans financement ?

On m’explique alors que libre à elles et aux entreprises de facturer leurs interventions comme bon leur semble pour payer convenablement leur équipe. Une réponse qui paraît ainsi évidente mais comme souvent la vérité est ailleurs.

Les entreprises et associations, habilitées ou non, sont soumises au régime de l’autorisation et au sacro-saint Code de l'action sociale et des familles, et sont en cela réglementées (et c’est tant mieux, nous intervenons dans un champ particulier).

Tarifs encadrés

Comment s’en sortir quand d’une part le tarif de prise en charge de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) est admis par tous comme bien inférieur au coût de revient d’une heure à domicile, quand d’autre part, les finances publiques leur refusent tout soutien pour cette revalorisation et qu’enfin, leurs tarifs sont encadrés par un taux fixé annuellement par arrêté ministériel ?

Par ailleurs, les personnes accompagnées font elles aussi avec les moyens qui leur sont donnés : l’APA, aujourd’hui sous dotée et mal calibrée tant sur le montant que sur le nombre d’heures allouées.

Si celle-ci était véritablement repensée ; si l’aide accordée par la solidarité nationale était la même quel que soit le service choisi avec les mêmes conditions d’intervention pour tous ; si elle prenait en compte suffisamment de temps à passer auprès des gens, une juste rémunération des auxiliaires de vie et des professionnelles qui travaillent dans nos services ; si elle permettait de financer temps de déplacement et temps de coordination ; si enfin, elle redonnait liberté et latitude aux professionnels du secteur du domicile, la vie des gens, et des professionnelles qui les soutiennent, serait transformée.

C’est ce vers quoi il nous faut tendre, ce à quoi je veux contribuer. Le CNR la fabrique du bien vieillir et la proposition de loi déposée tout récemment sur le champ de l'autonomie œuvrent, je l’espère, je le crois, à cela.

[1] Au regard du nombre de femmes dans le secteur, je laisse le mot au féminin.

* Les tribunes libres sont rédigées sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas la rédaction du Media Social.

DafnaMOUCHENIK
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