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Article10 juillet 2019
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Protection de l'enfance : faut-il dénoncer un "ASE bashing" ?

L'un des temps forts des Assises de la protection de l'enfance à Marseille a été le débat sur le rôle des médias : donnent-ils une image négative de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou contribuent-ils à améliorer les choses en dénonçant des dysfonctionnements ?

On s'approchait ce 5 juillet de la fin des 12e Assises de la protection de l'enfance qui s'étaient déroulées, ma foi, assez tranquillement : seule une petite manif lors de l'ouverture et la présence du secrétaire d'État Adrien Taquet (lire article), pas grand-chose par rapport aux éditions précédentes. Et il y eut deux moments de magie : les 2 000 participants se mirent à applaudir à tout rompre la cinéaste Jeanne Herry et le vidéaste Jhon Rachid. Nous y reviendrons...

Le troupeau et ses brebis galeuses

La table-ronde en question portait sur la vision que développent les médias sur la protection de l'enfance. Au vu des différents sujets, notamment télé, les professionnels ont souvent le sentiment que les médias s'acharnent contre eux, qu'ils ne voient que les brebis galeuses alors que le troupeau (des professionnels) est globalement sain. Le débat sur cette question est assez vif.

Maëlle Bouvier Noël Bouttier
Lyes Louffok Noël Bouttier

« Si je n'avais pas été prise en charge par l'État, ma vie n'aurait pas été la même. »  Maëlle Bouvier, la trentaine, est passée par l'ASE. Elle est aujourd'hui consultante. Elle dit merci à cette famille d'accueil du Gers qui l'a prise en charge après un passage rapide en Mecs (Maison d'enfant à caractère social). Elle a le sentiment que les sujets à charge de la presse stigmatisent les enfants placés, les professionnels sans oublier les familles d'accueil.

« L'ASE sauve des vies » 

Maëlle Bouvier juge que l'obligation qui est faite d'éteindre très souvent les incendies qui éclatent rend plus complexe la pourtant nécessaire réflexion sur la protection de l'enfance. « N'oublions pas que l'ASE sauve des vies. »  

Le bashing, ça n'existe pas !

Pas d'accord, Lyes Louffok n'est vraiment pas d'accord. « Je refuse le terme de bashing », explique-t-il. Il rappelle que la nomination d'un secrétaire d'État, en la personne d'Adrien Taquet, est étroitement liée à la diffusion d'un reportage en janvier dernier « Enfants placés : les sacrifiés de la République » (France 3). Il ne faut surtout pas relativiser les situations de violences qui émergent un peu partout. Et cette situation n'est pas seulement la préoccupation des enfants.

Ne pas se sentir attaqué personnellement

 « Dans certains départements, je suis sollicité par des professionnels pour dénoncer les violences » , raconte Lyes Louffok. Pour lui, le travail de la presse permet de mettre à jour des dysfonctionnements et d'espérer des améliorations. Voilà pourquoi il faut souvent passer par la caméra cachée. En direction des professionnels, il exhorte de « ne pas se sentir attaqué personnellement. » Il plaide pour des « alliances » entre les jeunes et les professionnels afin de travailler au progrès des choses. 

« Les journalistes sont paresseux » 

Le journaliste Christophe Robert qui travaille dans la presse écrite cite trois écueils à éviter : « Il ne faut pas croire que pour vendre, il faut verser dans le sensationnel. Dans la presse, il y a le risque de surenchère et de banalisation de l'horreur. Enfin, le travail de dénonciation peut desservir la cause. » Le professionnel de l'information doit s'interroger sur les effets induits par son travail. Puis, dans une note d'humour, il explique : « Les journalistes sont paresseux : invitez les journalistes à comprendre votre situation. Aidez-nous à vous aider. » 

« Les institutions se bunkérisent »

Voilà maintenant le point de vue d'un professionnel, même si Laurent Puech n'est pas un professionnel comme les autres : cet ancien président de l'Association nationale des assistants de service social (Anas) est fondateur du blog protections-critiques.org. Il constate que « les institutions se bunkérisent » et qu'il est très difficile pour un journaliste d'enquêter. 

« Accepter le risque de la parole des professionnels »

« Vous vous rendez compte, toutes les validations qu'il faut avoir pour qu'un journaliste puisse rencontrer un professionnel. » Il explique qu'une information fausse circule six fois plus vite qu'une information vraie. En conclusion, Laurent Puech invite les institutions à « accepter le risque de la parole des professionnels. »    

Drôlerie et tendresse

Il ne reste plus qu'à donner la parole aux troubadours, à ceux qui transmettent un regard, une subjectivité à travers des créations. Jhon Rachid est un humoriste qui cartonne sur Youtube. Dans une vidéo, il met en scène sa vie d'enfant et d'adolescent en foyer. C'est plein de drôlerie et de tendresse. « Il y a d'autres voies que le négatif pour parler de l'ASE », dit-il. Et ça produit son effet : l'assemblée est hilare de bout en bout. Les scènes, parfois conflictuelles, du quotidien ne sont pas esquivées, mais abordées avec tendresse et inventivité.

Enfant né sous X

Vient enfin Jeanne Herry avec son film Pupille (voir la bande-annonce) qui eut un certain retentissement à la fin de 2018. Il raconte la prise en charge par les services de protection de l'enfance d'un enfant né sous X jusqu'à son adoption par un couple. La réalisatrice explique être partie de l'histoire d'une connaissance qui avait accouché sous X et être ensuite partie à la recherche d'informations auprès d'assistantes sociales. 

Garant des liens d'attachement

« J'avais rendez-vous avec des fonctions et je découvrais des gens », dit-elle avec poésie. Elle a fait un choix qu'elle assume. « J'avais décidé de parler de gens qui travaillent bien ». Elle trouve même une proximité entre les cinéastes et les travailleurs sociaux : « Tous produisent du collectif. » De son film, elle dit qu'il parle de « notre dépendance totale aux autres ». Et d'ajouter : « Les travailleurs sociaux sont garants des liens d'attachement. » Tonnerre d'applaudissements...

NoëlBOUTTIER
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