Suite à l'avis de la Cour de cassation se prononçant sur la qualification juridique de la mesure dite de "placement éducatif à domicile", l'ancien juge des enfants Damien Mulliez nous éclaire sur ses possibles conséquences.
Dans un avis du 14 février 2024, la Cour de cassation a estimé que le « placement éducatif à domicile » (PEAD), pratique qui s'est développée à l'initiative de plusieurs départements, relève d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) avec possibilité d’hébergement, et non d’un placement auprès du service de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Cette distinction a notamment des conséquences en matière d’exercice de droits parentaux et de responsabilité civile.
Quel peut être l’impact de cet avis sur les prochaines décisions prononcées par les juges des enfants ? Pourrait-il entraîner un changement de pratiques des départements et des professionnels de la protection de l’enfance ?
Damien Mulliez, magistrat honoraire ayant passé la majeure partie de sa carrière dans le domaine de la justice des mineurs et de la protection de l’enfance (juge des enfants, sous-directeur de la protection judiciaire de la jeunesse…), nous apporte son éclairage sur ces questions.
Pour commencer, pourrions-nous revenir sur les origines des mesures de PEAD et AEMO avec hébergement ?
Damien Mulliez La mesure d’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO), avec une possibilité d’accueil en période de crise, est une modalité de travail expérimentée dans les années 1980 dans plusieurs départements, tout comme le « placement » séquentiel, par des services éducatifs et des magistrats.
Elle a ensuite été intégrée par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance à l’article 375-2 du code civil, sous la forme d’une mesure d’assistance éducative à domicile, l’enfant restant avec ses parents et un service intervenant régulièrement dans la famille, avec la possibilité pour le service d’héberger l’enfant en cas de crise, avec l’accord du juge.
Et le PEAD ?
D. M.
Ce qu’on appelle le « placement éducatif à domicile » (PEAD), qui est apparu il y a seulement quelques années, est basé sur les mêmes fondements : maintien de l’enfant à son domicile, intervention du service dans sa famille, possibilité d’accueil ponctuel. Avec une nuance : le juge confie l’enfant au service départemental de l’aide sociale à l’enfance (ASE) en imposant qu’il reste à son domicile. Sur le fond, c’est exactement la même chose. Mais le PEAD génère des difficultés notamment juridiques.
Si c'est la même chose, pourquoi le PEAD a-t-il émergé ?