En protection de l’enfance, le principe de non-séparation des fratries lors d’un placement a été réaffirmé par la loi Taquet de 2022. Qu’en est-il deux ans après ? Nous avons cherché à connaître les pratiques, les obstacles, les initiatives pour appliquer ce principe, en nous inspirant notamment d'un colloque organisé en avril 2024 par la fondation Droit d'enfance.
« Si on avait été placés ensemble, ma vie aurait été complètement différente, regrette Achraf Amer, 29 ans, placé à 2 ans et demi en famille d’accueil et séparé de ses petites sœurs jumelles, accueillies dans une autre famille. Ce choix de nous séparer a été fait par manque de places. Aujourd’hui mes sœurs sont très proches l’une de l’autre et considèrent leur famille d’accueil comme leur propre famille. Alors que moi, vers onze ans j’ai commencé à faire des bêtises, j’ai été retiré à ma famille d’accueil et j’ai enchaîné les foyers. Donc on n’a pas eu la même vie elles et moi. Et je sais que les pratiques de placement n’ont pas changé ».
Loin du compte
En effet, la non-séparation des fratries en protection de l’enfance n’est pas la norme. « Il existe peu de statistiques, mais selon une étude de cohorte réalisée à Paris en 2020, 10 % des enfants étaient accueillis avec l’ensemble de leur fratrie, 20 % avec une partie, et 50 % en étaient séparés. Donc on est loin du compte », confirme Pierre-Alain Sarthou, président de la Convention nationale des associations de protection de l'enfant (Cnape).
On notera que la récente commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de l’ASE, interrompue par la dissolution de l’Assemblée nationale, n’avait pas abordé ce sujet des fratries, qui ressortait pourtant de certains témoignages d’anciens enfants placés.
La loi à l'épreuve du réel
Le principe de non-séparation a été réaffirmé par la loi Taquet du 7 février 2022. Celle-ci modifie l’article 375-7 du Code civil et prévoit que, dans le cadre de l’assistance éducative, « l'enfant est accueilli avec ses frères et sœurs en application de l’article 371-5, sauf si son intérêt commande une autre solution ».
Cette obligation a été saluée par la plupart des acteurs, mais deux ans plus tard, elle a encore du mal à s’appliquer.