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Protection de l’enfance et handicap : un défi pour l'accompagnement

Longs FormatsLaetitia DELHON28 septembre 2021
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L’accompagnement des enfants en situation de handicap et confiés à l’aide sociale à l’enfance représente un défi pour les deux secteurs. Les crispations se sont accentuées pendant la crise sanitaire, révélant les insuffisances d’un mouvement inclusif encore balbutiant. Si des coopérations se développent, les difficultés persistent.

Julie (*) a 13 ans et personne n’arrive à la comprendre, elle et ses importants troubles psychiques, elle et sa violence. Elle agresse plusieurs professionnels de la maison d’enfant à caractère social (Mecs) où elle vit. Pompiers et police interviennent. Hospitalisée, après une semaine les soignants disent qu’ils n’arrivent pas « à la maîtriser » et ne peuvent « la sédater plus longtemps ».

Trouver un lieu de répit

Elle revient dans la Mecs, qui renforce son équipe avec des éducateurs en CDD. Insuffisant : il faut trouver un lieu de répit spécialisé avec des moyens importants. « Le prix de journée est le double de celui d’une Mecs », dit le directeur. Mais c’est la Mecs qui finance ce dispositif renforcé sur son budget.

Après un mois, la structure demande davantage de moyens pour s’occuper de Julie. Budgétairement, la Mecs ne peut pas suivre. Elle rejoint encore un autre lieu avant d’être hospitalisée avec un étayage soutenu, où ses colères s’apaiseront et où, surtout, elle pourra exprimer l’origine de son mal-être. « On aurait pu éviter tout cela pour elle et pour nous », constate amèrement le directeur.

Une situation emblématique

Pour les jeunes placés qui souffrent de troubles psychiques, il faut des lieux de vie dotés d'un taux d'encadrement important. Comme le DAM, dans les Bouches-du-Rhône, une structure au carrefour de l'éducatif et du soin.    Valérie Vrel pour Le Media Social

L’histoire de Julie est emblématique tant des difficultés d’accompagnement des enfants aux lourds troubles psychiques et de comportement, tiraillés entre les deux secteurs, que de l’aspect financier du problème. Car l’intérêt supérieur de l’enfant se heurte parfois à celui du budget.

« Nous avons besoin de lieux de vie où le taux d’encadrement est plus important pour accueillir certains enfants. Mais avec leur prix de journée à 200 euros, nous ne pouvons pas suivre », poursuit un directeur de Mecs.

Bras de fer

Pour payer ce tarif imputé à son budget, il peut toutefois demander une rallonge au conseil départemental. « Mais à chaque fois c’est le bras de fer et si vous avez un déficit, vous prenez le risque de voir fermer votre établissement car vous coûtez trop cher. Le conseil départemental veut rester à moyens constants et votre association veut conserver son budget de fonctionnement », précise-t-il.

Pas de chiffres fiables

La situation n’est pas nouvelle : en 2015 déjà, le Défenseur des droits de l’enfant alertait dans son rapport annuel sur ces enfants à « double vulnérabilité », autrement qui ont - ou vont avoir - une notification de la Maison départementale des personnes handicapées ainsi qu'une mesure de protection de l’enfance.

Évalués alors à 70 000, combien sont-ils aujourd’hui ? Les chiffres sont toujours donnés à la louche : entre 40 % et 70 % des effectifs des Mecs, selon les interlocuteurs.

Une tension exacerbée par le Covid

Le Covid-19 a exacerbé la tension entre les deux secteurs sur l’accompagnement de ces enfants. Quand les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep) et les instituts médico-éducatifs (IME) ont fermé leurs portes, la pilule a eu du mal à passer au sein des Mecs, qui fonctionnaient seules ou quasi 24h/24h.

Bruno Fabrié, directeur d’une Mecs dans l’Hérault. DR

« Il faut bien se rendre compte qu’aujourd’hui en Mecs, sur un collectif de 10 enfants, 3 ont une notification MDPH, un à deux ont une addiction au cannabis, un autre fugue et un autre relève de la prostitution, le tout avec un seul éducateur. Après, on peut discuter, mais il faut avoir cette vision du réel », constate Bruno Fabrié, directeur d’une Mecs dans l’Hérault et administrateur à l’Association nationale des Mecs (Anmecs).

Virage inclusif mal négocié

La prime Covid a donné le coup de grâce : surtout versée dans le champ médico-social, à des professionnels qui n’étaient pas toujours à leur poste de travail. Les professionnels de l’ASE ont crié au scandale. Un manque de reconnaissance s’ajoutant à la profonde fatigue du secteur, qui, à de maintes reprises et depuis longtemps déjà, alerte sur son malaise.

Mais la crise sanitaire fut surtout révélatrice d’un mouvement de fond, géré comme un virage mal négocié : celui de l’inclusion. En se transformant en dispositif (Ditep), les Itep ont fermé des lits, développé l’accueil séquentiel, remobilisé les parents, autant d’avancées positives... Mais les enfants rencontrant les difficultés les plus lourdes sont accueillis à l’ASE, qui peine à se faire épauler par la pédopsychiatrie, elle-même fort mal en point.

Évitement des situations complexes

Anne Devreese, déléguée générale adjointe à la solidarité du département du Nord. Département du Nord

« D’une manière générale, l’ASE prend beaucoup sur ses épaules : certains Itep développent des stratégies d’évitement des situations complexes qui aboutissent à l’ASE, dont les moyens sont encore plus limités », constate Anne Devreese, déléguée générale adjointe à la solidarité du département du Nord.