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Article23 mars 2020
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Sans-abri : les travailleurs sociaux marseillais sur le pont

À Marseille, les travailleurs sociaux et les bénévoles s’organisent pour la continuité de l’accueil médico-social des plus précaires, malgré les incertitudes, et l'absence de masques et de gel hydroalcoolique pour limiter la propagation du Covid-19. Ils demandent au président de la République la réquisition des hôtels vides.

Le Vieux Port, la Canebière, les plages sont désertes… ou presque. Depuis le début de la semaine, dans les rues de Marseille, on repère mieux que d’habitude encore les personnes confinées dehors… « Ceux qui restent dehors, ce sont les SDF. Nous avons rencontré ceux de notre file active qui ont des troubles psychiatriques. Pour eux, cette situation génère beaucoup d’inquiétude », regrette Aurélie Tinland, responsable de l’équipe mobile psychiatrie-précarité (Marss) de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM). « On maintient le lien, on donne des informations, on traduit les consignes pour les non-francophones mais les gens sont très inquiets. »

Alors que tout le monde se confine, que les centres d’hébergement affichent complet, Marss cherche des solutions rapides pour mettre ses patients à l’abri : si un accord est trouvé, la délégation départementale de la cohésion sociale (DDCS) prendra en charge les frais d’hébergement.

Réquisitionner les hôtels

« Nous avons trouvé des nuits d'hébergement en hôtel pour 13 patients pour l’instant. Certains hôteliers n’ont pas envie de recevoir ces personnes qui ont des problèmes d’hygiène », explique Aurélie Tinland qui espère les réquisitions de l’État. Cela pourrait arriver vite puisque Julien Denormandie, le ministre en charge de la Ville et du logement, annonçait jeudi sur France Inter : « On est mobilisés pour réquisitionner, convaincre, mettre à disposition des chambres d’hôtels ».

Il faut aller plus vite, lui répondent les associations marseillaises et les professionnels du secteur médico-social, qui ont pris la parole dans une lettre ouverte au Président de la République : « Nous ne pourrons nous passer d’un État interventionniste car les réquisitions nous paraissent indispensables, d’un État organisateur en première ligne de la coordination locale, mais aussi d’un État incitatif, avec de l’aide matérielle et humaine. »

Des centres d'hébergement spécialisés

Par ailleurs, le ministre annonçait mercredi la mise en place de centres d’hébergement spécialisés pour les malades non graves du Covid-19 les plus précaires. Reste à savoir si Marseille en sera dotée : cela ne fait quasiment pas de doute mais quand ?

« Les centres sont pour l'instant mis en place territoires par territoires », répond le ministère. Aurélie Ruibanys, directrice du centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) Forbin, de la Fondation Saint Jean de Dieu, attend d’en savoir plus et se demande si sa structure deviendra un de ces « centres de desserrement » envisagés par l’État. « Si c’est le cas, on devra remettre des gens à la rue... », craint-elle.

Sans masque ni gel

La plupart des travailleurs sociaux que nous avons pu joindre à Marseille n’ont toujours pas de masques ou de gel hydroalcoolique mais continuent le travail de terrain : « Tout comme le personnel médical, les équipes qui s’occupent des personnes de la rue ont besoin de se protéger. Nous en appelons à la responsabilité de l’État, nous avons besoin de masques, de gants, de gel et de savon. Nos personnels et bénévoles, en première ligne sur le terrain, ne bénéficient pas de ce matériel pour respecter les consignes basiques d’hygiène », peut-on encore lire dans la lettre ouverte à Emmanuel Macron.

CHRS ouverts 24h/24h

Dans les CHRS, l’hébergement s’organise et les temps d’ouverture au public sont rallongés. Au CHRS Forbin, en centre-ville, la cinquantaine de salariés est présente ou en télétravail pour assurer l’accueil 24h/24h depuis mercredi matin.

« Hier, à l’annonce du confinement, nos hébergés étaient en panique. D’abord, nous pensions qu’il n’était pas possible d’assurer un accueil la journée mais il a fallu être cohérent et l’accueil se poursuit maintenant en continu. Nous avons un pôle santé actif et l’hôpital européen tout proche nous aidera en cas de besoin. Pour l’instant, aucun cas n’a été déclaré ici malgré la promiscuité », explique la directrice Aurélie Ruibanys. Aujourd’hui, un des accueillis lui a remis une vingtaine de masques de protection cousus main pour les salariés.

Davantage de lits nécessaires

Le CHRS St-Louis (50 places pour femmes) va lui aussi rester ouvert 24h/24h. Amandine Alix, chef de service, voudrait davantage de lits : « Il faudrait ouvrir plus de places pour que l’on puisse ne garder que les plus vulnérables dans de bonnes conditions en pouvant faire barrière. »

Au nord de la ville, un accueil de nuit mis à disposition par le département pour la trêve hivernale pour une soixantaine de familles, de femmes et d’hommes isolés est maintenu ouvert. Mais la journée, ces derniers se retrouvent confinés dehors... Il est géré par 200 bénévoles et 3 salariés de l’association Vendredi 13, qui restent mobilisés. « Nous reprendrons même une maraude en ville pour distribuer de la nourriture », explique son président Bernard Nos.

La solidarité reprend

Les premiers jours de confinement ont été des journées de disette pour de nombreux précaires comptant sur les colis alimentaires, les Restos du cœur, et autres associations manquant de bénévoles pour assurer le ravitaillement, les distributions. Les choses semblent désormais s’organiser, et la solidarité reprend.

Comme au 59, avenue de St Just où près de deux cents personnes se sont installées (face au conseil départemental) faute de place d’hébergement depuis 2018 : près d’une centaine de mineurs non accompagnés y font l’école « à la maison » tandis que les familles avec de jeunes enfants cherchent à les occuper.

Des bénévoles en nombre

« Le nombre de bénévoles ici a augmenté avec le confinement. On ne fait pas rentrer tout le monde pour éviter les contagions et on réoriente vers d’autres associations ou maraudes qui manquent de bras », explique Juliette, du collectif St Just On s’organise pour devenir plateforme de redistribution car on a reçu beaucoup de nourritures », poursuit Juliette. Les surplus seront dispatchés à d’autres associations.

Dans la rue, Emmaüs avait arrêté ses activités de distributions de petits-déjeuners quotidiens en attendant des précisions du préfet. « Cela fait 4 ans qu’on était chaque jour en haut de la Canebière pour distribuer 80 à 90 petits-déjeuners par jour. L’arrêté ministériel du 14 mars autorise les distributions alimentaires par les associations caritatives. Nous reprenons donc la distribution dès la semaine prochaine », explique Kamel Fassatoui, responsable de la communauté Emmaüs Pointe Rouge à Marseille.

Dans la ville de 860 000 habitants, l’aide aux quelque 14 000 personnes sans abri reprend petit à petit. Le 115 continue d’orienter vers les hébergements d’urgence mais il y a très peu de sorties. Tout le monde est suspendu au téléphone et attend les prochaines recommandations et autorisation de l’État, de l’Agence régionale de santé et de la DDCS...

SandrineLANA
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