Selon deux avant-projets de loi, le gouvernement envisagerait la création d'une cinquième branche de la Sécurité sociale pour faire face aux dépenses liées à la perte d'autonomie. Une concertation doit être lancée dans les prochaines semaines.
La crise sanitaire aurait-elle convaincu le gouvernement de s'atteler au sujet de la dépendance ? C'est ce que laissent à penser deux avant-projets de loi organique et ordinaire relatifs à la dette sociale adressés le 19 mai aux partenaires sociaux.
Un nouveau risque ou une nouvelle branche
Alors que le secteur attend désespérément sa loi « Grand âge », sans cesse repoussée, ces deux textes donnent un aperçu des intentions du gouvernement. L'exécutif envisage ainsi la création d'un nouveau risque, voire d'une nouvelle branche de la Sécurité sociale relatifs à la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
Rappelons que cette voie était celle que préconisait Dominique Libault dans son rapport publié en mars 2019 et était déjà évoquée sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Un rapport d'ici le 30 septembre
L'avant-projet de loi relatif à la dette sociale prévoit que le gouvernement remettra au Parlement, d'ici au 30 septembre prochain, un rapport sur les conditions de création du nouveau risque ou de la nouvelle branche.
Ce rapport devrait également préciser les conséquences qui devront en être tirées dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021, « notamment au regard des liens actuels d’interdépendance des dépenses visant à faire face à la perte d’autonomie avec celles de l’assurance maladie ».
Une nouvelle annexe à la LFSS
L'avant-projet de loi organique prévoit d'ores et déjà la création d'une nouvelle annexe à la LFSS, ce afin de « renforcer l’information du Parlement ».
Celle-ci présentera, « pour le dernier exercice clos, l’exercice en cours et l’exercice à venir les dépenses et les prévisions de dépenses de sécurité sociale relative à la prise en charge de l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, en analysant l'évolution des prestations financées ». Elle indiquera également l'évolution de la dépense nationale contre la perte l’autonomie ainsi que ses modes de prise en charge.
Un pilotage financier spécifique
Autre petite révolution : les dépenses correspondant à la dépendance pourraient être désormais suivies dans des « agrégats financiers spécifiques » plutôt que comme un sous-objectif de l’objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), comme c'est le cas aujourd'hui. Selon le gouvernement, le projet poursuivi « suppose d’isoler des recettes et des dépenses propres faisant l’objet d’un pilotage financier spécifique au sein de la loi de financement de la sécurité sociale ».
Respect de tous les financeurs
L'exposé des motifs prend toutefois soin de préciser que cette évolution sera menée « dans le respect de l’intervention de nombreux financeurs participant à cette politique aux côtés de la sécurité sociale, notamment les conseils départementaux, et les communes, dont la libre administration a vocation à être garantie ».
2,3 Md€ supplémentaires à partir de 2024
Si les textes ne vont pas dans les détails en matière de financement, le projet de loi ordinaire prévoit déjà de réaffecter au financement de la prise en charge de la dépendance une recette spécifique supplémentaire à hauteur de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG), soit 2,3 milliards d'euros (Md€). Précisons toutefois que, dans son rapport, Dominique Libault estime le besoin de financement public supplémentaire à 6,2 Md€ en 2024 et 9,2 Md€ en 2030.
Concrètement, il s'agira d'un transfert de CSG depuis la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) vers la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), qui devrait intervenir en 2024, soit après la date d’apurement prévue des dettes actuelles portées par la Cades.
Une concertation à venir
Dans un communiqué de presse publié ce 20 mai, le ministre de la Santé et des Solidarités a annoncé le lancement « dans les prochaines semaines » d'une concertation avec les partenaires sociaux, les collectivités territoriales et les acteurs impliqués dans la prise en charge de la perte d’autonomie.
Elle devrait aboutir sur la définition, d’une part, des « contours des mesures en faveur du grand âge dont la traduction législative interviendra dans le PLFSS pour 2021 » et, d’autre part, des « solutions de financement à mettre en place pour la prise en charge de ce nouveau risque, notamment d’ici à 2024 ».