Les techniciennes de l’intervention sociale et familiale (TISF), professionnelles du « faire avec », bénéficient de l’attention croissante des pouvoirs publics. Très demandées pour soutenir les familles, en périnatalité et en prévention précoce, elles se font toutefois rares. Gros plan sur une profession peu valorisée, mais à l’avenir prometteur.
Travailleuses sociales « du quotidien », comme elles aiment à se définir, elles sont longtemps restées dans l’ombre. Du domicile, leur principal lieu d’intervention, et des autres professionnels du travail social.
Moins visibles, moins identifiées, moins reconnues. Un virage s’amorce-t-il, à la faveur des politiques inclusives replaçant le domicile au cœur de l’intervention ?
Un déclic
Quelques mots en disent parfois long. « Il y a eu un déclic le 4 juillet 2019, lorsque le secrétaire d’État Adrien Taquet a cité "le rôle fondamental des TISF" dans son discours d’ouverture des Assises de la protection de l’enfance, à Marseille, estime Jérôme Perrin, directeur du développement et de la qualité à l’ADMR. C’est peut-être la première fois qu’un ministre mettait en avant ce métier ».
Prévention précoce
Rebelote en octobre dernier, lorsque ce même secrétaire d’État présentait ses mesures issues de la commission des 1 000 premiers jours, mettant en avant les TISF comme actrices de la prévention précoce dès la sortie de la maternité.
Entre-temps, le rapport issu de la démarche de consensus relative aux interventions de protection de l’enfance à domicile remis en décembre 2019 soulignait le rôle des TISF dans ce secteur, à l’aune du développement du placement à domicile.
Anciennes « aides aux mères »
Mais qui sont-elles, ces TISF, profession très majoritairement féminine ? « Ce sont des spécialistes de l’accompagnement à la parentalité, quel que soit l’âge de l’enfant », résume Jean-Laurent Clochard, responsable pôle famille à la FNAAFP/CSF.
Historiquement « aides aux mères », elles ont gagné au fil du XXe siècle leurs galons de travailleuses sociales (lire notre entretien ci-dessous). Elles travaillent à la fois pour la branche famille, avec des prestations payantes financées par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), et pour les conseils départementaux, via les services de protection maternelle et infantile (PMI) ou de l’aide sociale à l’enfance (ASE).
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Le quotidien, porte d’entrée
« Notre porte d’entrée, c’est le quotidien, au cœur des familles, décrit Anita Daguin, 55 ans, TISF depuis 1988, actuellement dans le Loiret. C’est repasser, faire la vaisselle, entretenir le linge, s’occuper du bébé, aller chercher un enfant à l’école, s’occuper des papiers. Cela induit de la confiance entre nous et les personnes accompagnées ».
C’est donc « faire avec » les familles et s’adapter à leurs besoins : soutenir les jeunes parents lors de l’arrivée d’un nourrisson, s’occuper d’un enfant ou de parents en situation de handicap, accompagner le quotidien lors de la survenue de la maladie.
« Il faut mettre la main à la pâte »
C’est aussi encadrer des visites médiatisées, travailler en structure médico-sociale auprès de publics élargis, rendre compte de l’intervention au sein d’équipes pluridisciplinaires, produire des écrits qui seront lus par un cadre administratif ou un juge.
Mais pour Anita Daguin, le métier se définit aussi par ce qu’il n’est pas : « Il ne s’agit pas de s’asseoir et d’écouter. Il faut mettre la main à la pâte ». Est-ce pour cette raison que le métier peine à attirer de nouvelles recrues, en particulier des jeunes ? Car contrairement aux bataillons d’éducateurs ou d’assistantes sociales, les TISF ne sont pas légion, estimées à près de 6 200.
Un métier peu attractif...
Plusieurs raisons à cela : d’abord le domicile, loin d’attirer les jeunes travailleurs sociaux en raison de l’aspect solitaire du travail, de son manque de valorisation, et de l’inexpérience qui invite plutôt au travail en équipe.
Ensuite les conditions de travail : les TISF employées majoritairement dans les services d’aides à domicile sont payées à l’heure, avec des horaires élargis, souvent le samedi, avec un niveau de rémunération faible et qui n’a pas augmenté depuis quinze ans.
...et mal reconnu
« Elles ne se sentent pas reconnues. C’est pourquoi nous attendons beaucoup de l’agrément de l’avenant 43 de la convention collective de l’aide à domicile qui prévoit une augmentation des rémunérations moyennes de 12 à 13 % », précise Jean-Laurent Clochard (1).
C’est pour lui une des conditions pour éviter la « fuite » des TISF vers les structures médico-sociales, où elles peuvent trouver d’autres conditions de travail.